
Barack Obama, qui effectue sa seconde visite en Birmanie depuis la dissolution de la junte militaire, s'est entretenu vendredi avec l'opposante Aung San Suu Kyi, avant d'appeler le gouvernement birman à accélérer les réformes démocratiques.
Le lieu est le même qu’en novembre 2012, lorsque Barack Obama était devenu le premier président américain en exercice à poser le pied en Birmanie. L'atmosphère était en revanche différente. Au moment où la transition démocratique en Birmanie butte sur de réels obstacles, le locataire de la Maison Blanche et l'opposante Aung San Suu Kyi se sont retrouvés à Rangoun, vendredi 14 novembre, au domicile de l’icône de la démocratie, où elle fut assignée à résidence pendant de nombreuses années.
Au terme de leur rencontre, Barack Obama a appelé à des élections "libres et équitables" en Birmanie, lors d'une conférence de presse commune avec Aung San Suu Kyi. Alors que de nombreuses voix, dont celle de l’opposante, s'élèvent contre les lenteurs des réformes du gouvernement birman actuel, le président américain a estimé que la démocratisation en Birmanie n'était "ni achevée, ni irréversible".
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De son côté, Aung San Suu Kyi a appelé à "trouver un équilibre entre optimisme et pessimisme" pour son pays en pleine transition. À un an de législatives cruciales pour le pays, elle a récemment estimé que le processus de réforme était au point mort depuis près de deux ans. L'un des points de crispations dans le pays est la Constitution, que l’opposante juge "injuste et antidémocratique".
L'un des articles du texte, hérité de l'époque de la junte, l'empêche en effet de prétendre à la fonction suprême car elle a épousé un étranger. Son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), a pourtant de bonnes chances de l'emporter.
À 69 ans, Aung San Suu Kyi doit réussir le difficile passage d'un rôle d'icône pacifiste adulée à travers le monde à celui d'une femme politique en première ligne face aux soubresauts d'une démocratie naissante.
"Être pragmatique sur la quantité de changements que le pays peut absorber"
Preuve de la place à part qu'elle occupe, dans son pays et au-delà, Barack Obama aura consacré, lors de cette visite, infiniment plus de temps - et d'exposition médiatique - à cette députée de l'opposition qu'au président du pays, l'ex-général Thein Sein.
"Oui, c'est unique", reconnaît Ben Rhodes, proche conseiller du président américain. "Mais c'est un personnage unique", ajoute-t-il. "Elle est une voix extraordinairement importante en Birmanie mais c'est aussi une icône pour la démocratie à travers le monde".
Sur un terrain moins consensuel, Obama s'est dit "attentif" à la façon dont les minorités sont traitées, sans toutefois prononcé le nom des Rohingyas, considérés par l'ONU comme l'une des minorités les plus persécutées de la planète mais un dossier sur lequel Aung San Suu Kyi se montre extrêmement discrète.
Pour Ernest Bower, du Center for Strategic and International Studies, à Washington, la Maison Blanche est à la recherche d'un subtil équilibre. "Il n'est pas concevable que les réformes démocratiques s'arrêtent en chemin", souligne-t-il. "Mais il y a aussi la reconnaissance du fait qu'il faut être pragmatique sur la quantité de changements que le pays peut absorber en un temps donné".
Dans une tribune intitulée "La Birmanie a besoin de temps" et publiée dans le "New York Times", U Soe Thane, conseiller du président Thein Sein, appelle la communauté internationale à faire preuve de patience et à saisir "les nuances" de ce qui se passe dans son pays.
"Nous vivons dans l'ombre de notre passé. Nous souffrons de capacités institutionnelles extrêmement limitées et plus encore de mentalités et d'états d'esprit forgés par l'isolement et l'autoritarisme. Ces choses-là ne peuvent changer du jour au lendemain".
Avec AFP