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Le géant de l'agroalimentaire Unilever a attaqué en justice, mardi, la start-up californienne Hampton Creek pour publicité mensongère et pratique déloyale. Au cœur de ce conflit : une sauce baptisée "Just Mayo", mais réalisée sans œuf.
La mayonnaise ne prend pas entre Unilever et son concurrent Hampton Creek. La multinationale anglo-néerlandaise, qui commercialise sa mayonnaise sous la marque Hellmann's outre-Atlantique, a porté plainte, mardi 11 novembre, contre la start-up californienne pour avoir mis sur le marché un produit baptisé "Just Mayo" qui ne respecte pas, selon elle, la recette originale.
Est-ce qu’une sauce peut se faire baptiser mayonnaise si elle ne contient pas d’œuf ? Telle est le débat - hautement identitaire - lancé par le numéro un de l'agroalimentaire, qui se pose en grand défenseur du respect des traditions.
Unilever, qui commercialise en France la mayonnaise de Dijon Amora, est attaché à la recette de cette émulsion jaune établie en 1957 par l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (Food & Drug Administration), selon laquelle tout produit qui se présente comme mayonnaise doit contenir "au moins un jaune d’oeuf" et plus de 65 % d’huile végétale. Raison pour laquelle la sauce "Miracle Whip" de Kraft, numéro deux mondial de l’alimentaire, est classifiée parmi les vinaigrettes et non les mayonnaises. Hampton Creek, spécialisée dans les produits alimentaires à base de plantes, a choisi de remplacer dans sa recette le jaune d’œuf par des pois cassés jaunes.
Un juteux marché de 1,6 milliard d'euros
Mais derrière cette crise culinaire se cache avant-tout une guerre commerciale. Dans ce marché juteux de la mayonnaise, qui représente outre-Atlantique 1,6 milliard d’euros (soit plus que celui de la sauce ketchup, de la salsa ou de la sauce soja), la mayonaise Hellmann's représente 45% des parts de marché mais "Just Mayo" a rapidement réussi à s’imposer sur les étagères des chaînes d’épicerie telles que Target et Walmart.
Avec près de 50 milliards d'euros de chiffre d'affaires, Unilever poursuit pour publicité mensongère et pratique déloyale l'entreprise créée en 2011, financée entre autres par les milliardaires Bill Gates (Microsoft), Jerry Yang (Yahoo!) et Li Ka-Shing (Marionnaud). Les avocats du numéro un mondial du secteur exigent que le terme "mayo" ne figure plus sur le produit "Just Mayo". Ils demandent également un dédommagement équivalent à trois fois les profits générés par Hampton Creek, arguant que "la déception des consommateurs causée par cette fausse mayonnaise a causé des dommages irréparables à Unilever".
De son côté, le fondateur de Hampton Creek, Josh Tetrick, se défend de toute publicité mensongère. Il affirme notamment avoir été conseillé par des juristes et rappelle qu’une autre entreprise, Boulder Brands, commercialise également un produit appelé "Mindful Mayo" qui ne continent pas d’œuf.
Dans cette guerre, les spécialistes mettent leur grain de sel. Le chef américain Andrew Zimmern, fan de "Just Mayo", a lancé une pétition en ligne pour demander à Unilever d’arrêter "d’intimider les petites companies”. En quelques jours, 20 000 personnes y ont apposé leur signature. De quoi encore faire monter la sauce…