
Le président élu du Chili, José Antonio Kast, à Santiago, le 15 décembre 2025. © Juan Gonzalez, Reuters
Avec sa large victoire à la présidentielle au Chili dimanche 14 décembre, José Antonio Kast confirme le virage à droite de l'Amérique latine.
Le futur chef de l'État chilien va "faire partie de (la) nouvelle vague de droite en Amérique latine", note auprès de l'AFP Guillaume Long, expert du Centre d'études économiques et politiques (CEPR), qui rappelle que "la gauche n'a pas gagné d'élection présidentielle cette année" dans la région.
José Antonio Kast, ultraconservateur de 59 ans, a été élu sur un score sans appel : 58 %, contre 42 % à sa rivale Jeannette Jara, candidate d'une vaste coalition de gauche. Il succédera en mars au président de gauche Gabriel Boric et deviendra le premier dirigeant d'extrême droite à accéder au pouvoir au Chili depuis la fin de la dictature d'Augusto Pinochet, en 1990.
Au Honduras, où le décompte des votes est bloqué, le conservateur Nasry Asfura, soutenu par Donald Trump, possède une légère avance sur un autre candidat de droite, Salvador Nasralla. La présidente sortante de gauche Xiomara Castro a dénoncé la "falsification" du résultat de la présidentielle et l'"ingérence" américaine.
La Bolivie s'est, elle, choisi en octobre un président de centre-droit, Rodrigo Paz, mettant fin à 20 ans de gouvernements socialistes.
"Désenchantement" à l'égard des formations politiques traditionnelles
Au Pérou, après la destitution de Dina Boluarte, le conservateur José Jeri a pris les rênes du pays avec un discours anticriminalité et un style rappelant à certains égards celui du président salvadorien Nayib Bukele.
En Colombie, le principal parti d'opposition de droite a désigné lundi comme candidate à l'élection présidentielle de 2026 la sénatrice Paloma Valencia, qui soutient Donald Trump et ses pressions sur le président vénézuélien de gauche Nicolas Maduro.
Avant 2025, plusieurs gouvernements d'une droite décomplexée avaient déjà émergé en Amérique latine, avec notamment l'ultralibéral Javier Milei en Argentine fin 2023, Daniel Noboa en Équateur la même année et, avant eux, Jair Bolsonaro au Brésil (2019-2022).
Pour Michael Shifter, du groupe de réflexion Inter-American Dialogue à Washington, cette poussée reflète "le désenchantement à l'égard de l'ensemble des formations politiques traditionnelles".
Carolina Urrego-Sandoval, experte en relations internationales à l'Université des Andes de Bogota, estime également que la popularité de José Antonio Kast s'inscrit dans un mouvement plus large de succès des discours sur la sécurité et des "ennemis de l'intérieur".
José Antonio Kast a centré sa campagne sur la lutte contre l'insécurité et l'immigration illégale, promettant de restaurer l'ordre contre le "chaos", dans l'un des pays les plus sûrs de la région.
Le président salvadorien Bukele, une "référence"
Le jeune président salvadorien Bukele, qui mène une politique ultrarépressive contre les gangs, est devenu une "référence pour le reste de l'Amérique latine", poursuit l'analyste.
Très populaire dans la région pour avoir fait chuter le taux d'homicides dans un pays gangréné par la violence, malgré les critiques des défenseurs des droits humains qui dénoncent des abus, Nayib Bukele est cité en exemple par de nombreux politiciens.
Le Chilien Kast ne fait pas exception. Il s'est rendu au Salvador en 2024 pour visiter la prison de haute sécurité Cecot et s'est récemment entretenu avec le ministre salvadorien de la Sécurité.
"Plus qu'un virage idéologique, nous observons un schéma de rejet des gouvernements qui ne produisent pas de résultats", explique Michael Shifter. "Les gens sont plus disposés à voir si des politiques plus radicales et plus extrémistes peuvent fonctionner."
La présidente mexicaine appelle la gauche à mener une réflexion d'ampleur
La présidente de gauche du Mexique, Claudia Sheinbaum, a estimé lundi que l'élection chilienne devait conduire les mouvements de gauche en Amérique latine à mener une réflexion d'ampleur.
Sur le plan géopolitique, l'extrême droite au Chili pourrait renforcer le retour de l'interventionnisme américain en Amérique latine, selon Guillaume Long. Notamment sur les questions de diplomatie et de sécurité.
Mais les perspectives de collaboration sont plus limitées "sur ce qui compte le plus pour Trump, essayer de pousser les pays à s'éloigner de la Chine notamment dans leurs relations d'investissement et commerciales". Le président élu chilien ne voudra pas "aller à l'encontre des souhaits et des intérêts des grandes élites chiliennes", estime l'analyste.
Il va sans doute "se concentrer sur les priorités intérieures, tout en s'intégrant à des réseaux" avec lesquels il a des affinités, dans les Amériques et en Europe.
Mardi, sa première visite post-électorale à l'étranger conduira José Antonio Kast en Argentine, où il sera reçu par Javier Milei.
Avec AFP
