
La sonde Rosetta a permis, pour la première fois, de poser un robot sur une comète. Un événement historique qui doit apporter des réponses sur la formation du système solaire et l’apparition de la vie sur terre.
Historique, oui, mais encore ? L’atterrissage réussi, mercredi 12 novembre, du robot Philae sur la comète Tchourioumov-Guérassimenko, surnommée “Tchouri”, est inédit. L’Homme n’avait auparavant jamais réussi à poser quoi que ce soit sur ces petits corps spatiaux. Et à 17 h 02 (heure de Paris), l’Agence européenne de l’espace (ESA) a réussi là où la NASA a échoué par deux fois dans les années 90.
La mission, débutée en 2004, a généré un intense battage médiatique autour de la prouesse technologique. Mais quel intérêt d’aller poser un robot de 100 kg sur un petit corps d’environ 4 km de diamètre, formé exclusivement de glace et de poussière ?
“Témoins directs de la formation du système solaire”
Les comètes sont, en fait, “les vestiges et les derniers témoins directs de la formation du système solaire”, explique Jean-Baptiste Renard, chercheur au Laboratoire de physique et chimie de l’environnement et de l’espace du CNRS. Ces petits bouts d’histoire de l’espace n’ont quasiment pas changé depuis 4,5 milliards d’années. En clair, la sonde Rosetta fait faire à son petit robot Philae un énorme voyage dans le temps. Ses prélévements et analyses permettront d’avoir “la photo la plus fidèle à ce jour des débuts du système solaire”, assure Jean-Baptiste Renard.
Ces astres n’ont pas pris une ride, ou presque, car ils “viennent des confins du système solaire et ne sont donc pas exposés au chauffage du soleil, ce qui permet de préserver la matière”, précise le chercheur.
C’est pourquoi une dizaine de missions pour en apprendre plus sur les comètes ont déjà été menées depuis le début des années 80. Mais elles se sont toutes contentées d’en prendre des photos, et le fait cette fois d’y atterrir constitue une nouvelle étape cruciale. “Poser un module sur sa surface permet de faire une analyse fine in situ et de faire des observations à l’échelle microscopique, pour mieux comprendre la nature d’une comète”, résume Thérèse Encrenaz, directrice de recherche CNRS au Laboratoire d'Etudes spatiales et d'instrumentation en astrophysique (LESIA, rattaché à l’Observatoire de Paris). La sonde Rosetta a prévu un programme d’une vingtaine de tests et d’analyses des poussières et des gaz solidifiés pour son petit robot, qui devraient permettre d’en apprendre plus sur la matière qui existait au début de l’histoire du système solaire.
Enfants de comètes
Il y a d’ailleurs un élément qui excite particulièrement l’imagination des astrophysiciens : les molécules prébiotiques, c'est-à-dire formées sans intervention d'êtres vivants. “Apparemment, la matière des comètes est plus complexe que ce qu’on pensait et contient des molécules chimiques assez compliqués [notamment des molécules prébiotiques, NDLR]”, souligne Jean-Baptiste Renard. L’analyse de ces particules permettra notamment de répondre à la question de savoir “si les comètes ont joué un rôle dans l’apparition de la vie sur terre”, assure Thérèse Encrenaz.
Rosetta pourrait donc prouver que nous sommes tous des enfants de comètes. Selon la théorie scientifique dominante, la terre a été bombardée de comètes et de météorites il y a environ quatre milliards d’années. Cet épisode particulièrement violent de l’histoire terrestre aurait permis à ces astres de déposer leurs molécules prébiotiques, qui ont ensuite permis à la vie de se former. L’ESA espère que Philae va ainsi entrer en contact avec ces ancètres de nos ancètres.
Atterrir n’est pas le seul obstacle
Mais la mission est loin d’être terminée. Philae a, certes, réussi à atterrir, mais “Tchouri” n’est peut être pas le terrain d’exploration idéal. “Il y a, en effet, deux grandes catégories de comètes, celles qui ne passent qu’une fois par le système solaire et les comètes périodiques, qui sont piégées par l’attraction du système solaire, comme ‘Tchouri’”, explique Jean-Baptise Renard. Problème : ces dernières ont été davantage soumises à la chaleur du soleil et leur matière a peut-être changé depuis ses origines. “La surface peut avoir été modifiée, mais l’intérieur a beaucoup moins changé, c’est pourquoi le robot a un bras qui permet d’aller fouiller sous la surface”, explique Thérèse Encrenaz.
Enfin, la “plupart des manipulations qui vont être tentées sont inédites et on ne sait donc pas si elles vont fonctionner”, prévient l'astrophysicienne. Ainsi, les défis sont à la hauteur des promesses de réponses qui sommeillent depuis des milliards d’années sur “Tchouri”. L’analyse de son travail sur la comète prendra probablement encore plus d’un an.