Des scientifiques ont, pour la première fois, observé la présence chez l’homme du chlorovirus ACTV-1 qui rendrait ses porteurs intellectuellement plus lents. Certains scientifiques mettent cependant en garde contre des conclusions hâtives.
On ne dira peut-être bientôt plus bête comme chou, mais stupide comme un porteur de virus chlorovirus ATCV-1. C'est en tout cas ce que suggère une étude publiée le 27 octobre dans les Comptes rendus de l'académie américaine des Sciences (PNAS). Des chercheurs américains de l’Université du Nebraska y affirment que ce micro-organisme, qu'on trouve habituellement sur les algues vertes, agit sur des fonctions cérébrales.
Plusieurs médias anglo-saxons se sont rués, ces derniers jours, sur cette étude qui prouverait qu’il existe, selon eux, un "virus qui rend les humains stupides". Cette conclusion est tentante. L’article scientifique semble prouver en effet que la présence de ce chlorovirus rend les porteurs humains ou les souris infectés intellectuellement moins alertes.
Chez l’homme comme chez les souris
Lors d’une expérience qui n’avait, à l’origine, rien à voir avec l’intelligence, ces chercheurs ont découvert ce virus dans la gorge de près de la moitié de leurs cobayes. Une présence étonnante puisque ce micro-organisme n’avait jusqu'à présent jamais été observé ailleurs que sur des algues vertes. Plus étonnant encore : les 40 porteurs humains de ce virus, sur un échantillon de 92 personnes, ont été moins rapides et efficaces à enregistrer des informations visuelles. Elles ont aussi démontré une capacité d’attention moindre. Les cobayes venaient tous de milieux socio-économiques différents, n’avaient pas les mêmes habitudes de vie (tabac, alimentation) et avaient des niveaux différents d’études .
La faute au chlorovirus ? Pour tenter de conforter l’hypothèse d’un lien de causalité, les chercheurs l’ont alors inoculé à des souris. Rebelote : celles qui étaient porteuses du virus se sont montrées 10 % plus lentes à retrouver leur chemin dans un labyrinthe et moins débrouillardes à en explorer les parties inconnues. Les auteurs de l’étude affirment que le chlorovirus a affecté, entre autre, la réaction des souris à la sécrétion de dopamine, qui joue notamment un rôle dans le fonctionnement de la mémoire.
D’où vient le chlorovirus ?
Cette étude démontre aussi que l’incroyable flore de bactéries et de virus que porte le corps humains peut avoir des effets inattendus. Le chlorovirus n’agit pas comme la grippe ou d'autres maladies virales qui attaquent le corps, puis peuvent disparaître grâce à un traitement médical. Il s'agit davantage un agent dormant. L’ATCV-1 se fond dans la masse d’un corps sain. "Ce qui est intéressant, c'est que ce chlorovirus peut avoir un effet sur l’homme, ce qu'on n'avait jamais suspecté jusqu'à présent", souligne Robert Yolken, l’un des auteurs de l’article.
"Il y a de plus en plus d’études qui montrent que les micro-organismes de notre corps ont une influence plus importante que ce que nous pensions jusqu’à présent. Ces résultats entrent dans ce cadre", a affirmé au quotidien "The Independent" James Van Etten, l’un des biologistes associés à l’étude.
La grande inconnue réside dans le mode de contamination de l'homme par ce virus. On ne sait pas si ce micro-organisme s’est transmis de l’algue à l’homme - ce qui serait inédit - ou si les porteurs l’ont depuis longtemps, voire depuis leur naissance.
Trop tôt pour parler d’effet sur l’intelligence
Mais il est encore trop tôt tirer des conclusions générales de cette étude. "Il faudrait avant tout faire une expériences sur un échantillon plus représentatif que ces 92 personnes", assure à FRANCE 24 Bernhart Fleckenstein, un virologue allemand, secrétaire général de l’association européenne de virologie. Par exemple, l’étude ne porte que sur des habitants de Baltimore. Bernhart Fleckenstein souligne qu’il faudrait l’élargir à des personnes d’horizon plus variées. Des résidents d’une même région peuvent avoir des spécificités génétiques, et déceler d’autres micro-organismes, qui pourraient réagir au chlorovirus ATCV-1.
Il manquerait, aussi, "la preuve que ce micro-organisme exerce une action directe sur le cerveau", assure le scientifique allemand. Les tests menés sur les souris ne lui suffisent pas. "Qu’un virus agisse ou non sur le cerveau d’une souris ne présage en rien l’effet qu'il pourrait avoir sur celui de l’être humain, c’est seulement une indication qu’il existe une possibilité et que des expériences supplémentaires sont nécessaires", souligne Rose Bétis, une neuroscientifique berlinoise. Rassurez-vous donc, scientifiquement parlant, manger des fruits de mer ne rend pas bête. Pas encore.