Les révélations sur l’optimisation fiscale "made in Luxembourg" de centaines de multinationales, jeudi, souligne l’attractivité du Grand Duché. Loin d’être le seul pays à offrir des avantages fiscaux, il multiplie cependant les atouts.
"Pourquoi tant de haine ?" C’est, en substance, le message qu’à voulu faire passer le Luxembourg, jeudi 6 novembre, après les révélations sur ses pratiques fiscales. Elles sont "conformes aux lois internationales", a réagi le Premier ministre du Grand Duché, Xavier Bettel. Son ministre des Finances a ajouté que le Grand Duché était loin d’avoir le monopole des pratiques pointées du doigt.
Les documents secrets rendus publics par le Collectif international des journalistes d’investigation (ICIJ) démontrent que les multinationales trouvent ce petit pays particulièrement attrayant. Au moins 340 d’entre elles, comme Ikea, Deutsche Bank ou Crédit Agricole et Axa, l’ont choisi pour faire des milliards de dollars d’économies d’impôts.
Elles y sont parvenues grâce à des petits arrangements entre amis fortunés, légaux à priori, appelés "tax ruling". Ce mécanisme permet aux multinationales de négocier, en amont avec les responsables du Luxembourg, le cadre fiscal le plus avantageux possible auquel elles seront soumises.
"Étoile de la mort" fiscale
Ce type d'accords existe aussi dans d’autres pays européens comme l’Irlande et les Pays-Bas. Mais le Luxembourg sort du lot dans la galaxie des pays aux dispositions fiscales avantageuses. À tel point que l’ONG de lutte contre la fraude fiscale Tax Justice Network qualifie ce pays "d’étoile de la mort" de la fiscalité internationale.
Ses avantages, dans la compétition que se livrent les paradis fiscaux pour attirer les capitaux des grandes entreprises, sont nombreux. Il y a d’abord sa taille, assure Jean Merckaert, administrateur de Sherpa, une ONG française de lutte contre la fraude fiscale. Il est petit et c’est un grand atout, estime-t-il. Le Grand Duché a "beaucoup moins besoin de rentrées fiscales pour financer des projets d’infrastructure que d’autres pays plus vastes, comme l’Irlande, et peut donc se permettre de proposer des mesures encore plus avantageuses", souligne cet expert.
Le réseau Tax Justice Network note aussi les nombreux conflits d’intérêts potentiels dans un petit pays "où tout le monde connaît tout le monde". En 2013, par exemple, le ministre des Finances, Luc Frieden, avait nommé l'une de ses conseillères, Sarah Khabirpour, au CSSF, le régulateur luxembourgeois des finances, rapportait, à l’époque, le "Financial Times". Problème : elle était également membre de la Banque internationale du Luxembourg et était l’une des directrices de la Bourse du Luxembourg. Deux institutions financières que le CSSF est censé contrôler.
Des mesures calibrées pour les multinationales
Mais la taille ne fait pas tout. Andorre, les Bermudes ou encore certaines îles britanniques voient aussi les choses en petit. Face à ces concurrents, le Luxembourg a d’autres cartes à jouer. Le Grand Duché a ainsi des dispositions particulièrement bien adaptées à l’optimisation fiscales des multinationales. "C’est un spécialistes des 'captives d’assurance'", rappelle ainsi Jean Merckaert. Il s’agit de filiales installées au Luxembourg qui sont chargées de fournir des assurances aux maisons mères. Les cotisations et intérêts payés à ces structures sont ensuite très peu imposés au Luxembourg.
Il a aussi "une fiscalité très avantageuse sur la propriété intellectuelle et les marques", souligne Jean Merckaert. En clair, une multinationale peut ouvrir au Luxembourg une structure pour gérer les droits sur son nom. La maison mère et les autres filiales sont obligées de lui payer des "royalties" pour utiliser son nom et ses innovations brevetées. Des sommes sur lesquelles la structure luxembourgeoise ne paie, de nouveau, quasiment aucun impôt.
Un atout politique
En plus de ces mesures particulièrement bien calibrées pour les grandes multinationales, le Luxembourg a encore un dernier atout, d’ordre politique. "Il est l’un des pays fondateurs de l’Union européenne et à ce titre, il a une grande influence au sein des institutions communautaires", explique Jean Merckaert. C’est une sorte de cercle vicieux : plus il y a d’argent qui arrive dans son système financier, plus le Luxembourg à intérêt à le défendre, et en le défendant efficacement, il le rend plus attractif.
Cette position centrale sur l’échiquier politique européen permet aussi aux entreprises, selon Tax Justice Network, d’être assurées que les interlocuteurs "luxembourgeois ont un accès direct aux décideurs européens". Un réseau d’influence institutionnel dont, par exemple, ne peut pas se targuer la Suisse.