Un collectif féministe a révélé, lundi 3 novembre, que les produits de consommation courante destinés aux femmes sont plus chers en moyenne que ceux fabriqués pour les hommes. Bercy a demandé une enquête.
Quelle est la différence entre un stylo à bille rétractable rose d’une grande marque de papeterie et un stylo à bille rétractable bleu de la même marque ? La couleur, bien entendu, mais aussi le prix. Plus précisément 0,68 euros.
Le stylo à bille est l’un des nombreux exemples relevés par le tumblr (plateforme de microblogage) créé par le collectif féministe Georgette Sand qui cherche à démontrer que les femmes paient systématiquement plus cher que les hommes leurs déodorants, rasoirs, rendez-vous chez le coiffeur, brosses à dents, dentifrices etc.
Le collectif a révélé cette inégalité en photographiant et en comparant des dizaines de produits de consommation courante "sexués". "On s'est rendu compte que sur des produits de la consommation quotidienne, les femmes étaient systématiquement taxées", explique Gaëlle Couraud, membre de Georgette Sand.
"Une injustice qui ne doit pas perdurer"
La secrétaire d’État aux droits des femmes, Pascale Boistard, a réagi à l’information sur son compte twitter le 28 octobre, puis s’est exprimée dans les pages du "Parisien" le 3 novembre.
"Comme toutes les Françaises, je fais mes courses sans imaginer que je suis attendue au tournant en tant que femme […]. J’ai commencé à y regarder de plus près et j’ai pu voir à plusieurs reprises que ce qu’elles (les membres du collectif) dénoncent correspond à une réalité […] Elles ont mis le doigt sur une injustice qui ne doit pas perdurer", a déclaré la secrétaire d’État au quotidien.
Pascale Boistard annonce avoir prévenu Emmanuel Macron, le ministre de l’Économie, qui a décidé de diligenter une enquête. "La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes va être mandatée pour vérifier tous les points soulevés. L’objectif sera de lister toutes les fois où, à contenu ou services égaux, le prix est inégal. Et d’identifier la source de la différence de prix", précise la secrétaire d’État.
Lorsqu'une photographie du secteur aura été établie, une rencontre avec les différents acteurs sera organisée "pour voir, du distributeur au producteur, où se forge cette inégalité des prix" et pour redresser la barre, a assuré Pascale Boistard à l'AFP.
"Injustice injustifiable"
Les écarts de prix ne concernent, bien souvent, que quelques centimes, mais la différence se retrouve partout, même dans une multitude de services. "Pourquoi le chemisier d'une femme coûte-t-il plus cher chez le teinturier que la chemise d'un homme ?" s'interroge par exemple Gaëlle Couraud.
Dans le viseur du collectif Georgette Sand : l’enseigne Monoprix (groupe Casino). Le sachet de cinq rasoirs roses, "pour femmes", y coûte 1,80 euros. Les dix rasoirs pour hommes de la même marque sont vendus 1,72 euros.
Pour ce produit, Monoprix explique que "les références pour les hommes présentent des volumes de vente largement supérieurs aux modèles pour femmes, permettant ainsi un prix d'achat inférieur. De plus, la composition du modèle femme induit un surcoût de fabrication".
À la pétition lancée par le collectif et signée par 20 000 personnes, l'enseigne a répondu qu'elle veillait "naturellement à n'introduire aucune discrimination dans les prix des produits proposés à ses client(e)s".
Dans sa démarche, le collectif féministe risque de se heurter à une ordonnance de 1986 qui stipule que "les prix des biens, produits et services […] sont librement déterminés par le jeu de la concurrence".
Le phénomène du "barème femme" n’est pas une nouveauté. Déjà constaté aux États-Unis, il représenterait, selon Pascale Boistard, 1 400 dollars de surcoût par an pour de nombreux services et produits.
Avec AFP