La direction de la SNCM, qui emploie 2000 salariés, a déposé, mardi, le bilan de la société maritime. Mais son actionnaire principal, Transdev, affirme que l'entreprise intéresse plusieurs repreneurs potentiels.
C’est un épisode de plus dans la longue histoire à rebondissements de la Société nationale Maritime Corse Méditerranée (SNCM). Après en avoir fait l'annonce la veille aux représentants des salariés lors d'un comité d'entreprise (CE) extraordinaire, la direction a en effet déposé le bilan de l'entreprise, mardi 4 novembre, au tribunal de commerce de Marseille.
"La direction engage un dépôt de bilan, alors même qu'elle reconnaît que ‘le chemin est étroit’ entre le redressement judiciaire et la liquidation", avait commenté au sortir du CE, Pierre Maupoint de Vandeul, déplorant "une procédure collective pouvant se révéler irréversible".
Initialement prévu en début de matinée, lundi, ce CE extraordinaire au siège de la compagnie, qui emploie 2 000 personnes et fait vivre de nombreux sous-traitants sur le port de Marseille, avait été retardé par des salariés qui ont vivement interpellé le président du directoire, Olivier Diehl, sur la gestion de l'entreprise.
Les actionnaires majoritaires de la SNCM, Transdev et Veolia (66 % du capital), souhaitaient depuis plusieurs mois déposer le bilan, puis placer l'entreprise en redressement judiciaire, ce qui, selon ses dirigeants, constitue la seule solution pour "empêcher (sa) disparition pure et simple".
L'État, actionnaire à 25 %, Veolia et Transdev estiment que ce redressement judiciaire, une étape "technique", va permettre à la compagnie à la fois d'annuler les condamnations européennes à rembourser des aides publiques jugées illégales, pour un total de 400 millions d’euros, et de trouver un nouvel actionnaire à cette société chroniquement déficitaire.
Plusieurs repreneurs potentiels
Selon l'analyse de Transdev, le redressement judiciaire permettra, en négociant avec Bruxelles, de s'affranchir de ces remboursements, et ainsi de surmonter le principal obstacle à la recherche d'un repreneur.
Ainsi, Transdev indiquait vendredi une nouvelle fois à l'AFP qu'il n'y a "que dans le cadre du redressement judiciaire que les négociations avec Bruxelles peuvent aboutir, et qu'un repreneur peut être identifié".
Une affirmation réitérée, lundi, par Jean-Marc Janaillac, le PDG de Transdev. "Il y a plusieurs repreneurs (potentiels), de l'ordre de cinq ou six, des compagnies sérieuses, venues de différents pays européens, qui regardent actuellement le dossier de la SNCM", a-t-il ainsi indiqué sur France Info. "Il y a des compagnies qui aujourd'hui se sont officiellement déclarées intéressées, il y en a qui se sont officieusement déclarées intéressées", a-t-il ajouté, alors que la société américaine Baja Ferries avait notamment fait état, publiquement, de son intérêt pour une reprise des actifs de la compagnie maritime.
Transdev a annoncé vendredi avoir demandé à la SNCM le remboursement anticipé de 103 millions d'euros de prêts, une décision "destinée à provoquer le redressement judiciaire", a commenté Jean-Marc Janaillac, affirmant qu'il s'agissait de la "seule chance d'éviter la disparition pure et simple" de la compagnie.
Cette solution est privilégiée par l'État, également actionnaire via la Caisse des dépôts, ainsi que par la Corse, client principal de la SNCM via la délégation de service public (DSP) entre Marseille et la Corse.
Transdev ne s'attend pas pour autant à récupérer cette somme, a-t-il précisé : "Ces 100 millions d'euros, jamais nous ne les récupèrerons et nous le savons. La SNCM est structurellement déficitaire".
Aucune garantie selon les syndicats
Mais depuis de nombreux mois également, les syndicats ont une tout autre lecture du dossier, et mettent en garde : Transdev prend "cette décision en toute connaissance des risques", au premier rang desquels le fait que le contrat de délégation de service public (DSP) de la desserte de la Corse pourrait ne pas être transmis au repreneur.
Ce contrat, qui court jusqu'en 2023 et qu'elle partage avec une autre société, la Méridionale, constitue la principale source de revenus de l'entreprise.
Les organisations syndicales estiment en outre que le passage par le tribunal de commerce n'offre aucune garantie sur l'effacement des condamnations européennes, mais permettra aux actionnaires de faire un plan social à moindre frais.
Selon la CFE-CGC, les actionnaires placent "délibérément leur filiale dans une position de cessation de paiement organisée alors que cette dernière dispose actuellement de 35 millions d'euros disponibles en banque et possède un actif naval évalué, à dire d'expert avant saison, à 220 millions d'euros".
Avec AFP