Les pro-russes de l’est de l’Ukraine ont organisé, dimanche, des élections destinées à asseoir leur indépendance vis-à-vis de Kiev. À l'occasion de ces scrutins, jugés "illégitimes" par les Occidentaux, la région connaît un regain de violences.
Une semaine après les législatives ukrainiennes anticipées, remportées par les pro-occidentaux, le principal dirigeant rebelle et "Premier ministre" de la république autoproclamée de Donetsk (DNR), Alexandre Zakhartchenko, a été élu, dimanche 2 novembre, "président" de cette région séparatiste.
"Il n'y avait pas vraiment de choix entre les différents candidats et leur programme", note l'envoyé spécial de France 24 à Donetsk, Gulliver Cragg. Lors de "ces élections sans incident majeur", Alexandre Zakhartchenko aurait donc remporté 81,37 % des voix. Le parti de ce dernier, "République de Donetsk", aurait en outre obtenu 65,11 % des suffrages aux élections législatives, d'après un sondage de sortie des urnes, annoncé par Roman Liaguine, chef de la commission électorale mise en place pour ce vote par la DNR.
"Pas de statistiques fiables"
Mais "il ne sera pas possible d’avoir des statistiques fiables pour des élections illégales, sans observateur d’organisations internationalement reconnues", met en garde Gulliver Cragg. Aucune organisation internationale n'avait en effet envoyé d'observateurs, mais plusieurs députés européens d'extrême droite ou d'extrême gauche avaient fait le déplacement pour l'occasion.
Parmi lesquels : un observateur français proche du Front national, le député européen Jean-Luc Schaffhauser - venu à titre personnel. Il a salué ces élections au cours de la même conférence de presse. "Dans les conditions actuelles difficiles, elles ont été menées de manière transparente et démocratique et reflètent la volonté du peuple", a-t-il déclaré.
Gulliver Cragg a toutefois observé qu’il y avait "foule dans les bureaux de vote […] avec une majorité de personnes âgées". Mais il est "impossible d'avoir des chiffres précis sur la participation à cette élection illégale, [qui s'est tenue] au moment où une partie de la population a fui ce territoire", tempère-t-il.
"Les électeurs votaient avec beaucoup d’enthousiasme et une certaine haine pour l’Ukraine […] certainement alimentée par l’apparente insouciance avec laquelle les forces ukrainiennes continuent de bombarder des zones civiles à Donetsk", estime l'envoyé spécial de France 24.
itLes Occidentaux multiplient les mises en garde
"Nous déplorons l'intention des séparatistes dans certaines parties de l'est de l'Ukraine d'organiser dimanche des 'élections' illégitimes", a affirmé, vendredi, Bernadette Meehan, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche. À l'instar de l'Union européenne et de l'Ukraine, "les États-Unis ne reconnaîtront pas les résultats" de ces scrutins qui "violent la Constitution et les lois de l'Ukraine, ainsi que l'accord de cessez-le-feu du 5 septembre à Minsk", a-t-elle averti dans un communiqué.
L'Union européenne a d'ailleurs qualifié, à l'issue du vote, ce scrutin de "nouvel obstacle" à la paix. Dans un entretien téléphonique, la chancelière allemande, Angela Merkel, le président français, François Hollande, et le président ukrainien, Petro Porochenko, ont appelé Vladimir Poutine à ne pas reconnaître ce vote. Un appel qui ne semble pas avoir été entendu, puisque Moscou a déclaré "respecter" les résultats des élections séparatistes dans l'est de l'Ukraine.
itSur le terrain, la situation demeure très tendue. Malgré l’instauration d’un cessez-le-feu en septembre, les abords de l’aéroport de Donetsk ont été le théâtre, vendredi, de nombreux tirs d'artillerie et de mortier. En seulement 24 heures, six soldats ukrainiens ont été tués et 10 autres blessés dans l’est du pays.
"Des journalistes ont vu ces derniers jours des mouvements de troupes, mais nous ne sommes pas en mesure de confirmer qu’il s’agit de troupes de l’armée russe, explique Gulliver Cragg. L’un des vice-Premier ministre de cette république autoproclamée populaire de Donetsk m’a dit aujourd’hui qu’il ne s’agissait pas de nouvelles arrivées de troupes russes mais de mouvements de troupes déjà à l’intérieur […] sans en expliquer les raisons."
"Mais beaucoup de gens dans la direction dans la République populaire de Donetsk disent s’attendre à ce que les combats reprennent de plus belle après ces élections", rapporte Gulliver Cragg.
Selon l’ONU, le conflit meurtrier qui oppose les séparatistes aux forces ukrainiennes depuis que Donetsk et Lougansk ont unilatéralement proclamé leur indépendance en avril dernier a fait 4 000 morts, dont 300 ces 10 derniers jours.
Avec AFP