En Égypte, les autorités s’inquiètent de plus en plus de l'influence de l’EI, qui va crescendo chez les islamistes extrémistes réprimés par le pouvoir. Reportage de la correspondante de France 24 Sonia Dridi.
L'Egypte s'inquiète de plus en plus de l'influence croissante de l'organisation de l'État islamique (EI) sur les jihadistes présents sur son territoire. Et notamment dans le Sinaï, où le groupe Ansar Beit al-Maqdis, qui revendique régulièrement des attaques contre les forces de sécurité, a récemment déclaré son soutien à l'EI. Plus alarmant aux yeux du Caire, la sympathie envers le groupe terroriste basé en Irak et en Syrie grandit aussi auprès des islamistes les plus radicaux du pays.
Certains ont pris en exemple Ahmed el-Darawi, un ancien policier et candidat aux élections parlementaire de 2011, qui selon des sites jihadistes aurait rejoint les rangs de l'EI avant de mourir en mai dernier lors d'un attentat suicide en Irak. Joint par téléphone, son frère a confirmé à France 24 ces informations.
Selon le ministère de l'Intérieur, quelque 600 Égyptiens seraient aux côtés du groupe jihadiste en Irak et en Syrie. Il y a quelques semaines, des individus en lien avec l'organisation terroriste ont été arrêtés. "Nous avons arrêté des gens qui sont allés en Syrie, se sont battus sur place et sont revenus en Égypte. Trois individus ont été interpellés et nous avons aussi stoppé des tentatives de recrutement de citoyens égyptiens pour voyager et opérer avec l'organisation", précise à France 24 le général Hani Abdel-Latif, porte-parole du ministère de l'Intérieur.
Politique ultra-répressive
Ce dernier précise que les autorités égyptiennes ne font pas la distinction entre l'organisation de l'EI, les jihadistes du Sinaï ou les Frère musulmans. Pour le Caire, tous ces groupes sont liés et considérés comme terroristes. Une politique ultra-répressive qui n’est pas sans risque.
La correspondante de France 24 en Égypte, Sonia Dridi, a rencontré deux salafistes égyptiens, sympathisants affichés de l'EI. Selon eux, la sévère répression contre les islamistes en Égypte entraîne nombre de leurs compagnons à se tourner vers l'EI. Ils se sont pour leur part dit prêts à envisager un départ en Irak ou en Syrie pour rejoindre le groupe extrémiste.
"Je pense que ce qu'a fait l'armée égyptienne avec les islamistes en Égypte, notamment les massacres, est stupide, et va les encourager à rejoindre l'organisation de l'EI", explique l’un d’entre eux sous le sceau de l’anonymat, pour des questions de sécurité. Et d’ajouter : "Je partirai. C'est notre devoir d'immigrer dans les pays où la loi islamique est appliquée".
Surveillance des sermons
Le grand imam d'Al-Azhar, la plus haute institution sunnite, compte bien lutter contre cette influence. Selon lui, les jihadistes de l'EI sont des criminels, qui souillent l'image de l'islam. "Ils commettent des crimes terrifiants, des crimes barbares, et ceux qui commettent de telles actions devraient être sévèrement punis", indique à France 24 le cheikh Abbas Shuman, représentant du grand imam d'Al Azhar. "Nous l'avons toujours dit, cette organisation est une organisation terroriste et ne correspond en rien au vrai islam", insiste-t-il.
L'un des principaux défis d'Al-Azhar est de combattre la propagation des idées les plus radicales. Cela passe notamment par la surveillance des sermons. Sous la supervision de cette institution, le gouvernement a récemment promulgué une loi pour réglementer les prêches du vendredi, et qui place de fait les imams sous contrôle.
"Nous surveillons leurs actions et des mesures seront immédiatement prises contre quiconque dévie de la ligne directrice et adopte un discours qui prône la violence ou le terrorisme", poursuit le cheikh Abbas Shuman.
Ceux qui dévient risquent un avertissement, une sanction financière ou le retrait de leur licence. Ainsi, toutes les institutions de l'État sont mobilisées dans le combat contre le terrorisme. Le président Abdel Fattah al-Sissi a prévenu : il sera long et sanglant. Des dizaines de milliers d'islamistes ont été arrêtés depuis l'été 2013. Mais les organisations de défense des droits de l'Homme reprochent au pouvoir égyptien cette répression massive, qui pourrait pousser davantage d'islamistes vers l'extrémisme.