Quatre jours après la mort de Rémi Fraisse, opposant au barrage de Sivens, une information judiciaire a été ouverte et le Conseil général du Tarn annonce vouloir une suspension temporaire des travaux. La mobilisation, elle, se poursuit.
Suspension temporaire du chantier au barrage de Sivens, ouverture d’une information judiciaire, manifestations dans plusieurs villes de France, vifs débats au sein de la classe politique… Depuis la mort de Rémi Fraisse, dimanche, au cours de violents affrontements entre opposants au barrage et gendarmes, le projet de construction contesté est devenu une affaire explosive.
Mercredi 29 octobre, le parquet de Toulouse a ouvert une information judiciaire contre X pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, faits commis par une personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions".
Le procureur a requis la saisine de deux juges d'instruction et a investi de l'enquête la section de recherches de la gendarmerie de Midi-Pyrénées et l'Inspection générale de la gendarmerie nationale. Après la découverte de traces de TNT sur les vêtements du jeune homme de 21 ans, l'enquête privilégie désormais la thèse d'un décès dû à l'explosion d'une grenade offensive lancée par un militaire. Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a annoncé mardi qu’il en suspendait l’utilisation.
Manifestation qui dégénère à Paris
Le patron des gendarmes a cependant exclu de suspendre le tireur de la grenade qui pourrait être à l'origine de la mort du jeune Toulousain, décrit par ses proches et sa famille comme "foncièrement pacifiste".
Après avoir exprimé sa "compassion" pour la famille du manifestant, le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), Denis Favier, a affirmé sur BFM TV accorder son "soutien total" à l'escadron qui a dû faire face aux manifestants. Ces hommes "pendant des heures ont été harcelés, ont fait l'objet de tirs de pierres, de tirs de boulons, de cocktails Molotov, et ont été malmenés par des gens qui avaient très clairement la volonté d'en découdre", a-t-il assuré.
Plusieurs centaines d'opposants - toujours remontés - ont continué l’occupation du terrain défriché mercredi, tandis que de nombreuses manifestations de soutien étaient organisées dans plusieurs villes de France, la plupart dans le calme. A l’exception de Paris. Dans la capitale, environ 250 protestataires ont jeté des fumigènes en direction des CRS, aux cris de "police assassins". A l'issue d'un face à face tendu avec les forces de l'ordre, la manifestation s'est finalement dispersée sans incident.
Ségolène Royal convoque une réunion de crise
Sur la base du rapport des deux experts mandatés par le ministère de l'Ecologie pour faire un "état des lieux" du projet de barrage et après la mort du jeune homme, le Conseil général du Tarn, maître d'œuvre du projet de barrage, a annoncé son intention de suspendre le chantier , mais "en aucun cas sine die".
"Il n'est pas possible que des gens violents imposent leur décision à tous les autres", a-t-il dit au Monde. Mercredi matin, Manuel Valls, qui avait appelé à l'apaisement de même que François Hollande, avait fait valoir que c'était "au Conseil général du Tarn" de décider du devenir des travaux". Mais, pour le chef du gouvernement, "il faut évidemment redimensionner" le projet et "tirer les conséquences des préconisations des rapports" d'expertise.
À Lisle-sur-Tarn, près de Gaillac, le barrage vise à créer une retenue d'eau d'1,5 million de mètres cubes - pour un coût d'investissement de 8,4 millions d'euros - afin de sécuriser l'irrigation des cultures. Les experts mandatés par Mme Royal avaient conclu dans leur rapport rendu public lundi que le projet de barrage-réservoir était surdimensionné et coûteux mais avaient jugé "difficile de procéder à l'arrêt du chantier", déjà bien avancé. La ministre de l'Écologie, Ségolène Royal, a annoncé qu'elle réunirait mardi prochain "l'ensemble des parties prenantes". "Il faut que l'on trouve une solution."
Avec AFP