logo

Dans sa "guerre" contre le terrorisme, l’armée égyptienne a décidé de créer une zone tampon, sous la forme d’un immense canal, pour sécuriser sa frontière avec la Bande de Gaza. Des milliers de Bédouins de la région du Sinaï ont dû évacuer la zone.

Le président égyptien al-Sissi l’avait promis il y a quatre jours : "J’apporterai une réponse implacable à la menace existentielle que représentent les jihadistes en Égypte". Une semaine après un attentat kamikaze qui a coûté la vie à 30 militaires dans le Sinaï, le chef de l’État a tenu parole. Mercredi 29 octobre, il a ordonné le lancement d’une vaste opération de sécurisation de sa frontière avec l’enclave palestinienne de Gaza.

Les autorités égyptiennes ont donc prévu de rapidement construire une "zone tampon" qui, concrètement, prendra la forme d’un profond canal creusé dans le sol d’une longueur de 13 kilomètres et d’une largeur de 500 mètres. L’objectif de cette opération est double : "Neutraliser les tunnels à la frontière avec la Bande de Gaza et empêcher le passage d’armes et de militants islamistes", explique Sonia Dridi, correspondante de France 24 en Égypte.

it
"Neutraliser les tunnels"

Plus de 800 habitations détruites

L'Égypte soupçonne en effet des activistes palestiniens (du Hamas, notamment) de passer d’un territoire à l’autre pour prêter main-forte aux groupes jihadistes implantés dans le Sinaï et qui veulent déstabiliser le pouvoir en place. "Sécuriser le Sinaï, c’est donc l’une des préoccupations majeures des autorités égyptiennes dans leur guerre contre le terrorisme", poursuit Sonia Dridi. Après avoir accéléré la destruction de ces tunnels depuis un an, les autorités espèrent, via ce canal, mettre un frein définitif au passage des jihadistes.

Difficile, cependant, d’avoir des informations plus poussées sur cette zone tampon. L’armée égyptienne empêche les médias d’accéder librement dans la région du Sinaï, officiellement pour des raisons de sécurité, mais certainement aussi pour pouvoir "mener sa guerre [contre les terroristes] comme bon lui semble", précise Sonia Dridi. Sûrement aussi, explique la correspondante, pour ne pas donner voix aux nombreuses critiques qui s’élèvent contre le projet. Car pour mener à bien la construction du canal, plus de 800 habitations de la zone devront être détruites. "Les autorités ont demandé à des milliers de Bédouins qui résident dans cette zone du Nord-Sinaï de quitter les lieux sous 48 heures. Une échéance qui leur laisse très peu de temps pour s’organiser", explique la journaliste.

it
La défiance des autorités à l'égard des Bédouins

Complicité entre jihadistes et Bédouins

Peu importe la brièveté du délai, Le Caire s’émeut peu du sort des Bédouins que les autorités soupçonnent de complicité avec les groupes jihadistes du Sinaï. "Il est vrai que certains Bédouins, qui se sentent délaissés par le pouvoir central depuis une dizaine d’années, travaillent avec les groupes jihadistes pour gagner un peu d’argent […] Certaines de leurs habitations se situent à proximité des tunnels de contrebandes […] Des trafics en tout genre se sont multipliés en raison du vide sécuritaire ces dernières années : nourriture, médicaments, mais surtout armes".

Les habitants de la zone devraient être relogés plus à l’ouest de la région et dédommagés par l’État égyptien mais beaucoup protestent et tentent de négocier avec les autorités locales un délai supplémentaire pour repousser leur départ. En vain. Des témoins ont indiqué mercredi à l’AFP que des camionnettes transportant des dizaines de familles commençaient à quitter Rafah. D’autres ont affirmé que les bulldozers de l’armée avaient commencé à détruire des maisons situées le long de la frontière.

Avec AFP