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Kobané : les jihadistes investissent le QG des forces kurdes

Le groupe État islamique (EI) s’est emparé, vendredi, du quartier général des forces kurdes à Kobané. Les jihadistes ont également poursuivi leur manœuvre d’encerclement en se rapprochant de la frontière avec la Turquie.

Le répit apporté par les frappes aériennes des avions de la coalition anti-EI n’aura été que de courte durée. Malgré une défense acharnée, les combattants kurdes de Kobané n’ont pu empêcher leur quartier général de tomber aux mains des jihadistes, vendredi 10 octobre.

"Ils ont pris le contrôle du 'carré de sécurité'", qui abrite le complexe militaire des Unités de protection du peuple (YPG, principale milice kurde syrienne), le siège du conseil local et la base des Assayech (forces de sécurité kurde), a déclaré l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), qui précise que des raids de la coalition ont frappé quatre positions dans ce secteur. Toujours dans la même zone, l'EI a perpétré un attentat-suicide, tuant deux combattants kurdes, selon la même source.

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Selon Marine Olivesi, l’envoyée spéciale de France 24 à la frontière turco-syrienne "40% de la ville est maintenant aux mains des jihadistes, c’est le territoire gagné et sécurisé par les combattants de l’EI depuis leur percée de lundi (…) L’autre moitié de la ville est le théâtre d’affrontements violents". La journaliste fait état de très violentes déflagrations dans la ville assiégée, ainsi que de l’arrivée de dizaines de blessés kurdes dans les hôpitaux turcs. Par ailleurs, un réfugié kurde, qui a franchi la frontière vendredi, a confié à la reporter que les centaines de civils encore terrés à Kobané étaient confrontés à une véritable pénurie d'eau et de nourriture.

Les jihadistes ont désormais atteint la périphérie nord de Kobané. S’ils s'emparent du poste-frontière avec la Turquie, les derniers défenseurs kurdes seront alors complètement encerclés.

L'ONU craint un véritable massacre à Kobané

À Genève, l'émissaire spécial de l'ONU pour la Syrie, Staffan De Mistura, a dit craindre un "massacre" semblable à celui de Srebrenica dans l'ex-Yougoslavie. Selon lui, jusqu'à 700 civils se trouvent encore dans le centre-ville, dont une majorité de personnes âgées, et entre 10 à 13 000 autres sont rassemblées tout près de la frontière. Si la ville tombe, ces civils seront "très probablement massacrés", a-t-il averti.

Il a appelé Ankara à "autoriser le flot de volontaires à entrer dans la ville pour soutenir son action d'autodéfense". Mais le ministre turc des Affaire étrangères, Mevlut Cavusoglu a estimé, lors d'un entretien exclusif à France 24 diffusé vendredi soir, que renvoyer des civils vers la guerre était "un crime".

Le chef du principal parti politique kurde de Syrie a lui pressé la Turquie de laisser passer des armes. "Ce serait très bien qu'elle ouvre le plus vite possible sa frontière au passage d'armes", a déclaré à l'AFP Salih Muslim, président du Parti de l'union démocratique (PYD).

Pression sur la Turquie pour intervenir

Mais dans une interview à la télévision Al-Mayadeen, basée à Beyrouth, il s'est opposé catégoriquement à une entrée de l'armée turque à Kobané, qui s'apparenterait selon lui à une "occupation". Selon Mustafa Ebdi, un militant kurde interrogé par l'AFP qui effectue des allers-retours entre la Turquie et Kobané, les forces kurdes, de plus en plus désespérées, voient leurs munitions diminuer et réclament plus de frappes contre le groupe extrémiste.

"Certains combattants m'appellent en pleurant", confie-t-il, en expliquant que les jihadistes ont désormais recours à la ruse, en mettant notamment "des drapeaux kurdes sur leurs véhicules pour leurrer les avions".

La Turquie est également l'objet de pressions pour son implication dans la lutte contre les jihadistes de la part de Washington, qui a envoyé jeudi et vendredi à Ankara le patron de la coalition internationale, le général américain à la retraite John Allen.

"La Turquie est d'accord pour soutenir les efforts d'entraînement et d'équipement pour l'opposition syrienne modérée", a déclaré à ce sujet la porte-parole du département d'État Marie Harf. Ankara conditionne sa participation à la lutte anti-EI à la création d'une zone tampon, visant à protéger les secteurs tenus par la rébellion modérée contre le régime syrien et les populations fuyant la guerre. Mais cette proposition n'est pas à l'ordre du jour selon Washington et l'Otan.

Les États-unis accueilleront en outre la semaine prochaine une réunion des chefs militaires de la coalition.

Profitant de la guerre civile qui ravage la Syrie depuis plus de trois ans, l'EI s'est emparé de larges pans de territoires dans le nord et l'est du pays. Le groupe extrémiste, fort de dizaines de milliers d'hommes, contrôle également de grandes zones dans l'Irak voisin, où il a exécuté treize personnes vendredi, dont un journaliste irakien.

Avec AFP