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Le contrôle renforcé des chômeurs, un dispositif à l’utilité limitée

En France, 20 % des chômeurs soumis à un contrôle renforcé ne cherchent pas activement du travail, suggère un rapport de Pôle emploi. Une étude qui pourrait pousser le gouvernement à généraliser une surveillance accrue des demandeurs d'emploi.

Et revoici la question du contrôle renforcé des chômeurs en France. Elle a été remise sur le tapis, vendredi 10 octobre, par "Les Échos" et le ministre du Travail François Rebsamen. Le quotidien économique a obtenu un rapport "potentiellement explosif" de Pôle emploi à Manosque et Toulon, dans le sud de la France. Il souligne que 20 % des demandeurs d’emploi soumis à un contrôle renforcé ne chercheraient pas activement de travail dans ces agences. Ces chiffres sont partiels. L’intégralité du rapport, qui couvre une expérimentation menée depuis un an en Haute-Normandie, Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte-d'Azur (Paca) et Franche-Comté, doit être rendu public mercredi prochain.

Une étude qui tombe à pic pour le gouvernement. Le ministre du Travail, François Rebsamen, s'était déclaré début septembre favorable à un contrôle renforcé des chômeurs pour vérifier qu'ils "cherchent bien un emploi". Cette sortie avait suscité une avalanche de critiques, aussi bien de la part des syndicats de travailleurs que de certains de ses collègues du Parti socialiste.

Retrouver un travail (un peu) plus vite

"Les ­conseillers [de Pôle emploi] sont très contents de l’impact positif de ces contrôles auprès des demandeurs d’emploi, voire même surpris de la réaction de ceux-ci, qui les remercient de leurs appels", peut-on lire dans le rapport d’étape. Mais le terrain reste politiquement sensible et socialement glissant. Le risque étant de donner l’impression d’assimiler les demandeurs d’emploi à des fraudeurs aux allocations chômage.

Pôle emploi a d’ailleurs cherché à déminer ce terrain. "L’expérimentation n’a pas été menée à des fins de sanctions. Le sujet, c’est de remobiliser les chômeurs découragés", assure la direction de l’organisme public qui pourrait se référer à des expériences similaires déjà menées au Danemark, aux Pays-Bas ou encore en Belgique et aux États-Unis. "On note que, souvent, les contrôles renforcés permettent aux chômeurs concernés de retrouver un emploi plus rapidement", souligne David Margolis, spécialiste du marché du travail et des politiques sociales au Centre d’économie de la Sorbonne. Il observe cependant que le gain de temps n'est pas énorme et ne permet pas de faire baisser radicalement les chiffres du chômage.

Pour un travail plus précaire ?

Surtout qu’il y a un autre hic : "La peur de perdre les allocations peut pousser les chômeurs à accepter des offres de moins bonne qualité que ce qu’ils espéraient décrocher", note David Margolis. À l’étranger, les contrôles renforcés ont amené, dans certains cas, à prendre des emplois "moins stables et moins bien payés". Le risque est alors que des entreprises profitent de l’aubaine pour proposer aux chômeurs de les payer moins pour travailler plus.

Reste qu’un travail, même moins rémunérateur, est mieux que rien du tout pour un chômeur de longue durée, d’après David Margolis. "Il est démontré qu’une fois qu’on a remis un pied dans la porte du marché de l’emploi, il est ensuite plus facile de trouver un autre poste de meilleure qualité", explique-t-il. Ce premier travail devrait alors être considéré comme un tremplin.

Le contrôle renforcé peut donc être positif, essentiellement pour les chômeurs de longue durée. Mais même dans ce cas précis, encore faut-il "définir un protocole clair et précis de ce qui constitue une 'recherche active' d’emploi", souligne David Margolis. Pour lui, c’est l’un des principaux problèmes de ces dispositifs.

Les expérimentations menées en France depuis un an montrent d’ailleurs les limites de ce sujet : sur les 20 % de chômeurs de Manosque et Toulon accusés de ne pas avoir fait preuve "d'actes positifs et répétés" de recherche de travail, seuls 6,47 % ont été sanctionnés après un rendez-vous à Pôle emploi. Un sacré décalage. Selon une contrôleuse contactée par "Le Monde", une partie des personnes contrôlées avaient mal compris le questionnaire ou, découragées, n’avaient tout simplement pas jugé utile de répondre.