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RéessayerDepuis la colline où se dressent ses bâtiments de pierre blanche, on peut apercevoir par temps clair Tel-Aviv et le bleu de la Méditerranée. L'université Bir Zeit de Ramallah, en Cisjordanie, est une institution dans les Territoires palestiniens. Fondée en 1924, elle accueille chaque année 15 000 étudiants et a formé plusieurs générations de l'élite palestinienne.
Le grand poète Mahmoud Darwich y a fait des lectures. Marwan Barghouti, leader palestinien emprisonné depuis 2001, a obtenu une licence d'histoire de l'université. Celle-ci a été présidée par Hanan Ashrawi, professeure de littérature, féministe et ancienne ministre de l'Autorité palestinienne.
Espoir, désespoir et interrogations
Assis à l'ombre sur un banc, un couple d'étudiants se détend en pleine période d'examens. Tous deux savent que le président français, à la suite des Premiers ministres britannique, australien et canadien, s'apprête à reconnaître lundi l'État de Palestine. L'air partagé, ils ne cachent pas leur gratitude mais aussi leurs interrogations.
"Cette reconnaissance peut changer le regard de la communauté internationale", disent-ils, avant d'ajouter qu'à leurs yeux, "elle ne va pas nous permettre d'obtenir nos droits, ni d'arrêter le génocide à Gaza. Mais c'est un pas positif et on le soutient."
Même son de cloche auprès de Manar, une étudiante en génie civil de 21 ans. "Voir le monde se solidariser avec nous est une bonne chose", affirme-t-elle, "mais dire qu'il y aura un changement sur le terrain, ce n'est pas vrai".

La jeune femme, qui habite à Bethléem, à seulement 27 km de l'université, en sait quelque chose. "Ce matin, pour venir ici, j'ai mis deux heures et demi, au lieu d'une heure habituellement. On a été maltraités et humiliés par des soldats, comme souvent. Je crains (qu'avec la reconnaissance) il y ait de plus en plus de fermetures et de check-points sur les routes", explique-t-elle.
À la faculté de sciences sociales, Nahed Abu Taimeh nous ouvre les portes de son bureau. Issue d'une famille gazaouie, elle enseigne les études de genre et compte cette année dans son cours une vingtaine d'étudiants, filles et garçons.
Comme les étudiants, elle se félicite de la décision française mais estime que ce n'est qu'un point de départ. "Cette reconnaissance ne va pas changer l'état de guerre et le génocide qui a lieu en ce moment à Gaza. Mais elle permet un espoir nouveau. Celui de voir la France et l'Europe prendre des mesures concrètes, en imposant des sanctions réelles contre Israël", estime-t-elle.

Y a-t-il un partenaire israélien pour discuter ?
Son collègue enseignant en sciences politiques insiste également sur la nécessité d'imposer des sanctions à l'État d'Israël pour infléchir le bellicisme de Benjamin Netanyahu et ouvrir un cycle de négociations.
"Les échanges commerciaux entre Israël et l'UE représentent 47 milliards de dollars [environ 40 milliards d'euros, NDLR] par an. Si les pays européens adoptent des sanctions commerciales, la pression sera forte sur Israël", estime Ibrahim Roubaia.
Lui aussi doute d'une amélioration à court terme du quotidien des Palestiniens en Cisjordanie, mais ne sous-estime pas l'importance d'une reconnaissance venant des pays du G7, le club des plus grandes puissances occidentales. "C'est un geste très important et pas seulement d'un point de vue moral. C'est aussi un changement d'approche concernant la question palestinienne."

En dépit de l'échec du processus d'Oslo, il rêve qu'un jour Israël revienne à la table des négociations. "La priorité pour les Palestiniens, c'est que la guerre s'arrête, à Gaza et en Cisjordanie aussi. Nous, les Palestiniens, sommes maintenant en général contre l'usage de la violence. Nous croyons à la solution à deux États. Nous pensons que nous pouvons nous engager dans des négociations de paix. Mais nous n'avons pas de partenaire en Israël [pour discuter]. Je ne parle pas seulement de Netanyahu ou des partisans du sionisme religieux, je parle de l'élite politique israélienne en général."
Une université en lutte
Sur son banc, le couple d'étudiants qui a préféré conserver l'anonymat dit aussi que le gouvernement de l'Autorité palestinienne fait partie du problème. "L'Autorité palestinienne a été créée pour protéger l'État et nos frontières, mais on assiste à son délitement en raison du manque de soutien international et de la protection des colons par l'armée israélienne."
"Nous espérons qu'avec la reconnaissance, il y aura des changements : de nouvelles élections et plus de démocratie", poursuivent-ils. "On veut voir de nouveaux visages, une nouvelle classe politique. Des gens qui veulent construire ce pays et pas uniquement en profiter."
En Cisjordanie, l'université Bir Zeit est un symbole de résistance et de culture. Elle a participé à tous les combats contre l'occupation israélienne. Pendant la Première et la Seconde Intifadas (1987 et 2000), l'université a fermé ses portes à plusieurs reprises. L'armée israélienne y a conduit de nombreuses arrestations et en a parfois bloqué l'accès.

Nombre d'enseignants et d'étudiants de l'université ont payé le prix de leur engagement. Dans une cour bordée d'un olivier, une stèle a été érigée en mémoire de ceux qui sont morts tout au long du conflit israélo-palestinien. Trente-sept noms y figurent. En bas de la liste est inscrit : "Et le sacrifice continue."