Le président de l'Eurogroupe estime que la crise de l'emploi va conduire à une "crise sociale" en Europe. Les prévisions de la Commission européenne indiquent que le taux de chômage devrait s'établir à 9,9 % dans la zone euro en 2009.
AFP - Le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker, a pronostiqué lundi soir "une crise sociale" en Europe, potentiellement "explosive", du fait de la forte hausse attendue du chômage, en exhortant les entreprises à éviter les licenciements massifs.
"Nous allons vers une crise sociale puisque crise de l'emploi il y aura" cette année et l'an prochain en Europe, a-t-il déclaré à la presse à l'issue d'une réunion à Bruxelles du forum des ministres des Finances de la zone euro, l'Eurogroupe, qu'il préside.
Dans ses dernières prévisions publiées plus tôt dans la journée, la Commission a indiqué s'attendre à une perte de 8,5 millions d'emplois en 2009 et en 2010 dans l'UE.
Elle table sur une envolée du taux de chômage à 9,9% en zone euro cette année, puis à 11,5% en 2010, avec des pointes à 20,5% en Espagne l'an prochain, et 16% en Irlande (BIEN 16%), qui rappellent le chômage de masse auquel l'Europe a été confrontée dans les années 70 après les chocs pétroliers, puis dans les années 80. Un phénomène avec lequel elle pensait en avoir fini.
"La crise jette dans le désespoir des millions d'Européens, il ne faut pas sous-estimer le caractère explosif de cette recrudescence du chômage", a souligné le ministre des Finances et Premier ministre luxembourgeois.
"Je suis très inquiet du phénomène de la montée du chômage (...) Il frappe d'abord les plus faibles, les plus fragiles, ceux qui n'ont pas d'autre moyen (de subsistance) que le recours à leur propre force de travail", a ajouté M. Juncker.
"J'ai l'impression que beaucoup d'hommes politiques sous-estiment ce phénomène" en Europe, a-t-il ajouté, à trois jours de la tenue d'un sommet européen sur l'emploi prévu à Prague, sous les auspices de la présidence tchèque de l'UE.
Il a indiqué à ce sujet "regretter profondément" le "format réduit" de ce sommet qui donne le sentiment que les dirigeants européens ne se soucient guère du problème.
"Lorsqu'on a pas d'idée ce n'est pas une raison de ne pas s'occuper des problèmes", a protesté M. Juncker, membre du parti chrétien-social luxembourgeois.
A l'origine, la présidence tchèque et la Commission avaient voulu en faire un sommet des chefs d'Etat des 27 pays de l'UE pour discuter des moyens d'agir ensemble face à la montée du chômage.
Mais la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, notamment, ont refusé, arguant qu'un sommet de ce niveau risquait de susciter des attentes dans l'opinion auxquelles les gouvernements seraient bien en peine ensuite de répondre, vu leurs faibles moyens d'action sur le court terme face aux pertes d'emplois.
Du coup, la réunion a été rétrogradée et ne rassemblera que la Commission européenne, la présidence tchèque et des représentants des syndicats et du patronat.
M. Juncker a dans ce contexte appelé les chefs d'entreprise européens à éviter "les licenciements massifs et prématurés", en ayant recours en priorité au chômage partiel, et à faire preuve "de responsabilité sociale".
Il a surtout plaidé en faveur d'efforts de formation des chômeurs pour aider à leur réinsertion, mais adressé une fin de non recevoir aux syndicats européens qui réclament des efforts supplémentaires de relance par la demande face à la pire récession qu'ait connue l'Europe depuis 1945.
"Sincèrement, à l'heure qu'il est, nous ne voyons pas de nécessité de lancer de nouveaux efforts conjoncturels dans le vide", a dit M. Juncker.