La polémique sur les défaillances du protocole de santé continue d'enfler en Espagne depuis que le premier cas de contamination a été avéré. Les langues qui se délient apportent un éclairage sur les responsabilités de chacun. Explications.
Quatre jours après le premier cas de contamination hors d'Afrique, la colère gronde toujours en Espagne. En cause : les failles du système de santé. Dernière révélation en date : celle du médecin urgentiste qui a soigné, lundi 6 octobre à l'hôpital d'Alcorcón (sud-est de Madrid), Teresa Romero Ramos, l'aide-soignante contaminée et dont l'état de santé s'est dégradé jeudi 9 octobre.
Dans un rapport interne remis à sa direction - et dont les journaux espagnols "El Mundo" et "El Pais" se sont procurés une copie, le docteur Juan Manuel Parra notamment pointe du doigt le manque criant d'équipement pour gérer sa patiente. À son arrivée à 8 heures, le médecin urgentiste et son personnel soignant, qui ont pris soin de l'isoler immédiatement, n'avaient à leur disposition que des protections de base : une blouse imperméable, des doubles gants, une cagoule et un masque chirurgical, ce qui reste insuffisant pour se prémunir du virus, selon les normes de l'organisation mondiale de la santé (OMS).
Il relate également avoir été informé, vers 17 heures, du résultat positif de sa patiente à l'Ebola par voix de presse, et non directement par son établissement. Un équipement doté d'"un meilleur niveau de protection" lui a alors été fourni par l'hôpital, soit 7 heures après l'arrivée de l'aide-soignante qui avait pourtant prévenu dès son arrivée des risques concernant une possible contamination au virus.
"Les manches étaient trop courtes pour moi"
Pis, sa combinaison n'était pas à sa taille. "Les manches étaient trop courtes pour moi" et ses poignets sont restés à découvert, a écrit l'urgentiste de 41 ans, qui a été placé en observation mercredi soir.
Enfin, il signale un manque de réactivité dans le transfert de Teresa Romero Ramos à l'hôpital La Paz-Carlos III à Madrid : l'ambulance qui l'a transportée est arrivé six heures après sa demande, sans protection particulière. "L'ambulance aurait ensuite transporté d'autres patients avant d’être désinfectée", a précisé la correspondante de France 24 à Madrid, Marie Bolinches.
Cette série de couacs ne fait que rallonger la longue liste de failles relevées depuis la prise en charge de cette aide-soignante de 44 ans. Teresa Romero Ramos, qui avait prévenu l'hôpital de ses premiers symptômes le 30 septembre, n'a subi aucun test avant le 6 octobre.
Selon le personnel soignant, les manquements sont dus aux coupes budgétaires successives imposées dans les hôpitaux par le gouvernement. En raison de la crise économique, le service des maladies infectieuses de l'hôpital Carlos III La Paz a été fermé. Mais quand le premier missionnaire espagnol infecté à été admis dans l'établissement, "un hôpital de campagne a été crée dans la plus totale improvisation", explique Elena Morel, qui ajoute "que les professionnels n'ont pas reçu de formation adéquate". Une manifestation a eu lieu, mercredi 7 octobre, pour réclamer la démission de la ministre espagnole de la Santé Ana Mato.
"Contact direct avec le missionnaire"
Sous le feu des critiques depuis le début de cette affaire, le responsable des autorités sanitaires de Madrid Francisco José Rodríguez s’est défendu de tout manquement dans le protocole sanitaire. Il affirme que le plan de surveillance spécifique n'a pas été déclenché avant le 6 octobre car "à aucun moment, la température de l'aide-soignante n'a dépassé les 38,6°C".
Alors qu'une enquête est en cours pour déterminer l’origine de la contamination, Teresa Romero Ramos semble revenir sur sa version initiale. L'aide-soignante, qui avait dans un premier temps indiqué avoir pris soin de ne pas toucher les fluides corporels du patient Manuel García Viejo, reconnaît aujourd'hui avoir peut-être commis une erreur en enlevant sa combinaison de protection après s'être occupée du patient. Le chef des autorités sanitaires a déclaré à la presse, que l'aide-soignante avait "menti" et qu'elle avait bien eu des contacts direct avec le patient.