logo

Le virus Ebola risque d'atteindre la France et la Grande-Bretagne

Une étude estime à 75 % le risque de voir le virus Ebola atteindre la France d'ici à 20 jours. Ce risque pourrait toutefois chuter à 25 % grâce à une réduction de 80 % du trafic aérien.

L’annonce aux États-Unis de l’apparition du premier cas d’Ebola diagnostiqué hors d’Afrique, mardi 30 septembre, a marqué une nouvelle dans la propagation de l’épidémie. Elle a rappelé que le transport aérien pouvait faciliter la propagation du virus. Une nouvelle étude confirme les risques de propagation, notamment pour la France et la Grande-Bretagne, deux pays ayant des liens commerciaux privilégiés avec les pays touchés.

Des chercheurs estiment ainsi à 75 % le risque de voir le virus de la fièvre Ebola atteindre la France d'ici 20 jours, à 50 % pour la Grande-Bretagne. Les systèmes de santé et les conditions de vie ne devraient toutefois pas exposer ces pays à des flambées épidémiques comparables à ce qui se passe en Guinée, en Sierra Leone et au Liberia.

Ces projections sont fondées sur les données connues de propagation du virus et sur l'hypothèse d'un trafic aérien inchangé. En modifiant cette variable, le risque décroît. Une réduction de 80 % du trafic aérien vers les pays d'Afrique de l'Ouest frappés par la maladie réduirait ainsi le risque à 25 % pour la France et 15 % pour la Grande-Bretagne.

"Si la situation continue en Afrique de l'Ouest et même s'aggrave, ainsi que certains le prédisent, ce ne sera qu'une question de temps avant qu'un malade se retrouve dans un avion à destination de l'Europe", souligne Derek Gatherer, spécialiste en virologie à l'université britannique de Lancaster, dans une interview accordée à Reuters.

Ces calculs de probabilité, publiées pour la première fois par le journal médical PLoS Current Outbreaks, sont régulièrement actualisés sur ce site. On y apprend que le risque pour la Belgique est aujourd'hui estimé  40 % ou à 14 % pour l'Espagne et la Suisse.

Incubation longue

Dans les projections de propagation du virus, la France et la Grande-Bretagne sont les plus concernées du fait de leurs liens commerciaux et culturels avec l'Afrique de l'Ouest.

L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) n'a pas préconisé de restrictions sur le transport aérien et a même incité les compagnies aériennes à maintenir la desserte des pays les plus touchés. Les compagnies British Airways et Emirates ont cependant suspendu certaines liaisons.

Mais les risques changent chaque jour, souligne le professeur Alex Vespignani, du Laboratoire de modélisation des systèmes biologiques et socio-techniques de la Northeastern University de Boston, qui coordonne le calcul de ces probabilités de propagation du virus.

"Il ne s'agit pas d'une liste déterministe, mais bien de probabilités, des probabilités qui augmentent cependant pour tout le monde", explique-t-il dans une interview accordée par téléphone à Reuters.

"Le vecteur, c'est le trafic aérien", poursuit-il. "Mais il faut également prendre en compte les différences dans les relations avec les pays affectés, de même que les nombres de cas dans ces trois pays. En fonction de cela, les calculs de probabilité changent."

Les patients contaminés par le virus sont les plus contagieux en phases terminales, quand les hémorragies internes ou externes, les diarrhées et les vomissements exposent leur entourage. Le virus se contracte par contact avec les fluides corporels d'un malade.

Mais les modèles doivent aussi intégrer la durée d'incubation, qui va jusqu'à 21 jours. Une personne infectée peut être porteuse du virus pendant trois semaines sans en ressentir les symptômes.

"Le virus Ebola n'est pas seulement un problème africain"

Jonathan Ball, qui enseigne la virologie moléculaire à l'université de Nottingham, en Grande-Bretagne, explique par conséquent que même les tests mis en place dans les aéroports pour les passagers au départ des pays touchés par l'épidémie ne suffisent pas.

"Si le risque d'un virus importé reste limité, c'est un risque très réel dont on ne sera pas débarrassé tant que cette épidémie n'aura pas été stoppée", insiste-t-il. "Le virus Ebola n'est pas seulement un problème africain."

Les autorités sanitaires européennes jugent cependant que les capacités de détection sont suffisantes pour stopper rapidement une épidémie en Europe.

Derek Gatherer note à ce sujet que la réaction rapide et complète des autorités sanitaires du Nigeria a été un succès. Au total, le pays le plus peuplé d'Afrique, où l'anarchie urbaine qui règne à Lagos faisait craindre le pire, est considéré comme pratiquement libéré de l'épidémie. Seuls 20 cas de contamination y ont été recensés, dont huit mortels.

Depuis le mois de mars, l'épidémie de fièvre Ebola, la plus meurtrière depuis la découverte du virus, en 1976, a fait plus de 3 400 morts et infecté 7 200 personnes, dans trois pays essentiellement : le Liberia (2 069 morts selon les dernières données de l'OMS), la Guinée (739 morts) et la Sierra Leone (623 morts).

Avec Reuters