
Jean-Jacques Pauvert, le premier éditeur à avoir publié intégralement Sade, est décédé, samedi, à l’âge de 88 ans. Il s’est illustré, au cours d’une carrière tumultueuse, comme un défenseur des libertés contre la censure.
Il fut le premier à oser publier intégralement Sade. L'éditeur français Jean-Jacques Pauvert est mort, samedi 27 septembre, à l'âge de 88 ans. Il est décédé dans un hôpital de Toulon (sud-est), a annoncé à l'AFP une de ses filles, Camille Deforges, dont la mère, l'écrivaine et éditrice sulfureuse Régine Deforges, est elle-même décédée en avril dernier.
"Mon père était un très grand éditeur, un défenseur des libertés contre toute forme de censure, comme ma mère, ils étaient des êtres libres", a déclaré sa fille. L'éditeur avait été victime d'un AVC, le troisième, en août dernier, a précisé Camille Deforges.
La ministre de la Culture, Fleur Pellerin, a quant à elle rendu hommage à un "audacieux défenseur de la liberté, se défiant de toute censure".
"Le plus jeune éditeur de France"
Engagé très jeune dans la Résistance, Jean-Jacques Pauvert fait, à 16 ans, de la prison en Allemagne. À 19 ans, il édite son premier livre, un texte de Jean-Paul Sartre. "Je crois que j'ai été le plus jeune éditeur de France", dira-t-il.
À 21 ans, pour la première fois dans l'histoire de l'édition, il publie intégralement Sade, mettant son nom et son adresse sur les couvertures des livres, ce qui l'entraînera dans un procès de sept ans, début d'une carrière tumultueuse.
Il se retrouve, à la fin des années 60, patron d'une importante maison, puis d'une deuxième, puis d'une librairie qui vend par correspondance dans le monde entier.
Jean-Jacques Pauvert est également connu pour avoir édité, en 1954, l'iconique "Histoire d'O", d'une mystérieuse Pauline Réage. On sait aujourd'hui que ce roman a été écrit par Dominique Aury, qui fut secrétaire générale de la Nouvelle Revue française (NRF). Dans ses mémoires, il a raconté le "silence assourdissant" qui avait accueilli la sortie de ce livre. À l’époque, seuls les juges s'y intéressaient. Albert Camus lui avait, quant à lui, assuré : "Jamais une femme ne pourrait imaginer des choses pareilles !".
L’anti-censure
"JJP", moustache et lunettes, a également relancé la carrière d'un auteur qu'on ne lisait guère, Boris Vian, et a ressuscité Raymond Roussel. Il a par ailleurs édité Malraux, Aymé, Gide, Queneau puis André Hardellet ou Albertine Sarrazin. Il a été le dernier éditeur d'André Breton et a sorti Georges Bataille de la clandestinité.
Parallèlement, Jean-Jacques Pauvert a lancé de surprenantes maquettes de livres et une nouvelle édition du Littré.
Privé de ses droits civiques, il a accumulé les procès contre "les lois absurdes qui, depuis 1945, font l'armature de la censure française". Un tiers du chapitre consacré à la censure dans l'ouvrage de référence "L'édition française depuis 1945" se rapporte à "JJP".
Avec AFP