Cette semaine, Angela Merkel a prévenu l'industrie allemande : de nouvelles sanctions contre la Russie ne resteront pas sans conséquences pour les entreprises du pays. De quoi inquiéter les patrons qui souffrent déjà des restrictions en vigueur.
Hans Naumann est un patron en colère. Pour le PDG de Niles Simons, une entreprise spécialisée dans l'industrie du rail, la crise en Ukraine et les sanctions contre la Russie ont signé le grand retour de la guerre froide. Pour preuve, ces quatre machines-outils fabriquées sur le site de la société à Chemnitz, en Saxe, et qui n'ont toujours pas été envoyées à leurs destinataires en Russie.
Depuis l'entrée en vigueur des sanctions économiques contre Moscou en mars dernier, les autorités allemandes chargées du contrôle à l'exportation sont devenues très pointilleuses. Les permis d'exportation sont délivrés au compte-goutte. "C'est supposé être une sanction contre la Russie, mais en réalité c'est une sanction qui nous touche nous en premier lieu", affirme Hans Naumann. "Je ne sais pas pourquoi on nous fait ça, mais ce qui est sûr, c'est que cela donne un sacré coup de frein à l'économie allemande“. Pour Niles Simons, les pertes pourraient se chiffrer à plus de 5 millions d'euros. Un cas qui est loin d'être isolé, tout le secteur de la machine-outils est touché. Les exportations vers la Russie ont chuté de 20 % au premier semestre, contribuant à un ralentissement de la croissance allemande.
Chez Niles Simons, on se prépare donc au pire. Hans Naumann n'exclut pas à terme le recours au chômage partiel, voire au licenciement. Un employé rencontré sur le site en est conscient : "Nous travaillons sur le marché international et si on n'arrive plus à vendre nos machines à cause d'évènements comme ceux-là, ça peut faire vraiment mal“. Selon diverses estimations, près de 100 000 emplois en Allemagne dépendent en effet des échanges commerciaux avec la Russie.
Sans surprise, les patrons allemands restent donc farouchement opposés aux sanctions en vigueur et à leur renforcement. Pour le prestigieux institut allemand de sciences économiques (DIW) qui prévoit une nouvelle contraction du PIB allemand au troisième trimestre, ces sanctions n'ont d'ailleurs pas l'effet escompté. Elles auraient même accentué le conflit et renforcé la position de Poutine, affirme Dirk Ulbricht, expert de l'institut. Une chose est sûre : outre-Rhin, le partenariat commercial entre l'Allemagne et la Russie, vanté ces dernières années comme un marché d'avenir, vacille. "Nous devons nous rendre à l'evidence" explique Tobias Baumann, de la chambre fédérale du commerce et de l'industrie : "ce partenariat n'a plus aucune base
solide".