
L’accord de cessez-le-feu conclu entre le Hamas et Israël fait, en apparence, la part belle au mouvement islamiste, qui a obtenu l’allègement du blocus. Mais si le Hamas revendique une victoire politique, Israël peut saluer un succès stratégique.
À peine l'accord d'un cessez-le-feu permanent entre l'État hébreu et Hamas a-t-il été signé que le mouvement islamiste a enfilé le costume de vainqueur du conflit. Mardi 26 août, dans la foulée de cette entente, conclue sous médiation égyptienne, des milliers de Gazaouis sont descendus dans les rues.
"Nous célébrons aujourd'hui la fête de la victoire sur l'occupant dans cette épopée légendaire [...]", a déclaré mardi soir, Ahmed Bahr, l'un des dirigeants du Hamas. Un peu partout, des scènes de liesse ont attesté de ce "succès" palestinien. Provocation ultime, plusieurs hauts responsables du mouvement islamiste, visés par les frappes israéliennes, sont même apparus en public, pour la première fois depuis le début de l’opération "Bordure protectrice".
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"En apparence, le cessez-le-feu donne l’avantage au mouvement islamiste." Après 51 jours de conflit meurtrier, Gauthier Rybinski, le spécialiste de politique internationale à France 24 reconnaît que, de prime abord, l’accord conclu au Caire fait la part belle au Hamas. Il prévoit en effet l'ouverture immédiate des points de passage entre Israël et l'enclave palestinienne, l’élargissement de la zone de pêche et l’allègement du blocus, imposé depuis 2006 à 1,8 million de Gazaouis. Trois revendications sur lesquelles Israël n’avait jusque-là jamais cédé.
"Malgré les morts, malgré les pertes, le mouvement islamiste se présente aujourd’hui comme la figure de proue de résistance à Israël, ajoute Gauthier Rybinski. Mais les reconnaître comme les grands gagnants de ce conflit, c’est oublier un peu vite qu’Israël, lui, est le grand vainqueur militaire".
Le Hamas asphyxié
L’État hébreu, contrairement à l'enclave palestinienne, n'a célébré aucune victoire. "À Jérusalem, l'ambiance est différente, les gens sont las de ces trêves. C'est le 12e cessez-le-feu signé avec le Hamas. Ils n'ont aucune garantie que celui-là sera le bon", rapporte Daphné Rousseau, correspondante de France 24 à Jérusalem. Israël, pourtant, a réussi à mettre hors d’état de nuire une grande partie de l’infrastructure militaire du Hamas.
Si le pays n'a pas obtenu la démilitarisation du Hamas lors des négocitaions au Caire, il a néanmoins réduit sa capacité de nuisance. "Le mouvement islamiste est aujourd’hui asphyxié ", estime Charles Enderlin, le correspondant de France 2 en Israël, interrogé par France 24. Il ne représente donc plus une menace imminente. "Tous les tunnels par lesquels transitait l’argent servant à financer le Hamas ont été détruits. Son arsenal guerrier a été considérablement réduit. Israël a réussi à affaiblir le Hamas, c’est ce qu’il voulait. Il n’a jamais voulu le renverser."
L'État hébreu n'a en effet aucun intérêt à décapiter politiquement le Hamas, explique Gauthier Rybinski. Ni aucun intérêt à changer d’interlocuteurs dans l’enclave palestinienne. "[Le Premier ministre] Benjamin Netanyahou craint que les combattants de l’État islamique n’arrivent jusqu’à Gaza et en Cisjordanie. Il redoute qu’ils prennent racine. Ce qui serait catastrophique. Au moins, avec le Hamas, le dialogue, même s’il est compliqué, est établi. Il y a des contacts."
Le gouvernement israélien voulait donc revenir au calme le plus vite possible pour s’assurer une voie de communication, même fragile, avec son ennemi. Peut-être voulait-il également s’assurer une trêve pour se concentrer sur d’autres problèmes, intérieurs cette fois-ci. "L’économie du pays tourne au ralenti, le chômage augmente, le tourisme est en baisse. Et puis la guerre coûte chère", énumère Charles Enderlin. Gaza vaut-il tous ces sacrifices financiers et humains ? "L’enclave n’est pas l’objet d’une idolâtrie religieuse, elle n’est pas non plus une terre stratégique, elle ne signifie pas grand-chose pour Israël, en fait, et le pays doit se demander : est-ce un fardeau vraiment indispensable ?", ajoute Gauthier Rybinski.
Nouvelles négociations dans un mois
Alors quid des concessions faites au Hamas ? Mettent-elles Israël dans une position délicate ? Pas vraiment, estime Charles Enderlin. "Premièrement, l’élargissement de la zone de pêche n’est pas très contraignant pour l’État hébreu, c’est plutôt un confort de vie pour les Gazaouis. Deuxièmement, le blocus n’a jamais été total. La grande question, aujourd’hui, est de savoir si l’autorisation de faire passer des matériaux de construction à Gaza – jusque-là interdits d’importation – ne seront pas un moyen de faire transiter autre chose que du béton", explique-t-il.
Ces matériaux peuvent en effet servir à la reconstruction des tunnels détruits par Tsahal, plutôt qu’à la rénovation des zones détruites à Gaza. Mais là encore, l’État hébreu a été vigilant. Selon l’accord du Caire, l’Égypte et le Fatah seront chargés de surveiller les points de passage et de vérifier l’aide humanitaire entrant dans l’enclave palestinienne. "Dans ce cas précis, on peut penser que l’Égypte qui est très hostile, lui aussi, au Hamas fera du zèle lors de ses contrôles", note Gauthier Rybinski.
En conclusion, note le spécialiste de France 24, ni le Hamas, très affaibli militairement, ni Israël, fragilisé politiquement, n’avaient intérêt à ce que le conflit s’éternise. Reste à savoir si cette trêve passera l’épreuve du temps. Dans un mois de nouvelles négociations entre les deux camps doivent s’ouvrir au Caire. Elles aborderont deux sujets très sensibles : la construction d’un port et la réfection de l’aéroport à Gaza. "Et sur ce point-là, si cher au Hamas, je suis absolument sûr que ni Israël ni la communauté internationale ne céderont", conclut Charles Enderlin.