Après son rejet surprise le 9 avril, les députés ont entamé la deuxième lecture du projet de loi Création et Internet. Soucieux d'éviter un nouveau revers, les élus de la majorité se sont, cette fois-ci, rendus en nombre à l'Assemblée.
Reuters - Les députés français ont repris mercredi dans un climat tendu l'examen du projet de loi de lutte contre le piratage sur internet qui avait été rejeté le 9 avril dernier, au grand dam de Nicolas Sarkozy.
Faute d'un nombre suffisant de députés de la majorité présents dans l'hémicycle, l'Assemblée nationale avait rejeté ce projet qui prévoit une riposte graduée pouvant aller jusqu'à la suspension de l'abonnement à internet.
La reprise de l'examen de ce texte, rédigé à l'instigation du chef de l'Etat, a suscité les protestations de l'opposition.
Le président de l'Assemblée, Bernard Accoyer (UMP), a lancé à diverses reprises des appels au calme. "J'appelle tous les membres de cette assemblée, de la majorité et de l'opposition, à se tourner vers l'avenir pour la sérénité de nos débats", a-t-il dit.
Mais le calme relatif a été de courte durée. Lorsque la ministre de la Culture, Christine Albanel, a affirmé que le vote du 9 avril avait été obtenu dans "des circonstances rocambolesques", l'opposition a vivement protesté.
Son intervention a été interrompue à diverses reprises par un brouhaha venant des bancs de la gauche alors que les élus UMP applaudissaient les propos de la ministre.
"C'est avec beaucoup de force et beaucoup de conviction que je porte ce projet de loi qui est mesuré, très pédagogique. Il est issu d'une démarche longuement concertée, il est massivement soutenu par les artistes, les créateurs", a-t-elle déclaré, alors que plusieurs artistes favorables au texte étaient effectivement présents dans les tribunes du public.
Jean-François Copé, président du groupe UMP, a averti l'opposition de la "détermination totale" de ses troupes.
"La majorité sera présente aussi longtemps qu'il le faudra pour faire adopter ce texte au service de la création française", a-t-il déclaré.
"Riposte graduée"
Le socialiste Patrick Bloche a en revanche dénoncé une nouvelle fois ce texte, selon lui, "funeste" et "inapplicable".
En séance de nuit, peu avant minuit, dans un hémicycle exceptionnellement fourni à une heure aussi tardive, la tension est monté brutalement. Les présidents des groupe UMP, Jean-François Copé, et PS, Jean-Marc Ayrault, ont échangé quelques mots peu amènes alors que plusieurs députés s'invectivaient par- delà des travées.
Après une suspension de séance d'une dizaine de minutes, le calme est revenu. L'apparenté PC Jean-Pierre Brard a pu ainsi défendre, en vain, une ultime motion de procédure.
La séance a été levée vers 01h00 du matin (23h00 GMT). L'examen du texte reprendra lundi. L'Assemblée se prononcera, probablement mercredi prochain, par un vote solennel sur l'ensemble du texte.
Une fois voté par l'Assemblée, le texte sera examiné une nouvelle fois par le Sénat qui, soit le votera tel quel, et il sera alors définitivement adopté, soit le modifiera.
Dans ce dernier cas, le projet de loi reviendra devant les députés, l'Assemblée ayant constitutionnellement le dernier mot.
Ce texte prévoit la création d'une autorité administrative indépendante, la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) chargée de la mise en oeuvre d'une "riposte graduée" pouvant aller jusqu'à la suspension de l'abonnement en cas de récidive pour les auteurs de téléchargements illégaux.
La gauche, mais aussi plusieurs élus UMP et centristes, estiment que ce dispositif est inutile, inefficace et dangereux.
En outre, ils notent qu'une commission du Parlement européen a adopté le 21 avril, dans le cadre d'une réforme relative aux télécommunications, un amendement qui va à l'encontre du texte examiné par le Parlement français.
Cet amendement dispose "qu'aucune restriction ne peut être imposée aux droits et libertés fondamentaux des utilisateurs finaux sans décision préalable des autorités judiciaires".