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Vol de cocaïne au "36" : l’enquête en cinq points

Le vol spectaculaire de 52 kg de cocaïne à la PJ de Paris soulève plusieurs interrogations, notamment sur le profil du suspect et la façon dont il a procédé pour dérober la drogue. France 24 fait le point sur l'enquête.

Mais où se sont donc volatilisés les 52 kg de cocaïne entreposés au siège de la Police judiciaire de Paris ? Après ce vol spectaculaire au 36 quai des Orfèvres, dans la nuit du 24 au 25 juillet, l’enquête se poursuit pour comprendre comment une telle disparition a pu avoir lieu au nez et à la barbe des policiers. Un suspect a été arrêté à Perpignan. Il est, pour l’instant, resté mutique face aux enquêteurs.

• Qui est le suspect ?

Le suspect numéro un est un jeune brigadier de 34 ans, travaillant à la brigade des stupéfiants du "36" depuis plusieurs années. Il a été interpellé samedi 2 août, à Perpignan, pendant ses vacances. Décrit comme un "beau gosse", à la forte personnalité, il était très apprécié de ses collègues.

Toutefois, son attitude a attiré l’attention des enquêteurs. Selon plusieurs témoins, le suspect se serait intéressé à la saisie de cocaïne depuis son lieu de vacances. Il téléphonait de temps en temps à des collègues pour se "tenir informé". Quelques heures avant son interpellation, il avait appelé le "36" pour faire le point sur les dossiers en cours.

Les enquêteurs s’intéressent également à son train de vie, qui cadre mal avec son salaire de fonctionnaire de police. Domicilié à Paris, le brigadier ne possède pas moins de sept appartements à Perpignan et dans sa région – grâce, semble-t-il, au patrimoine de son épouse. Une fortune immobilière qui intrigue la police.

Où est-il depuis son arrestation ?

Il est entendu sous le régime de la garde à vue dans les locaux parisiens de "la police des polices" (l'Inspection générale de la police nationale, IGPN) situés dans le XIIe arrondissement. Le ministre de l’Intérieur a annoncé sa suspension, samedi 2 août. Il est jusqu’à présent resté quasi muet face aux policiers, qui lui reprochent son "comportement de cador".

Une garde à vue pour trafic de stupéfiants peut durer jusqu’à quatre jours. Des perquisitions ont été menées dans les différents appartements que le couple possède. Des sommes d’argent ont été saisies, mais aucune trace de la drogue.

Pourquoi le soupçonne-t-on ?

Parce qu’il aurait demandé, peu avant le vol présumé de la cocaïne constaté le 31 juillet, à entrer "sous des principes futiles" dans la salle ultra sécurisée des scellés, où la drogue était entreposée. Peu de temps après, une femme policier affirme l’avoir vu ressortir de cette même salle avec des sacs lourds, visiblement bien remplis. Sur les bandes de vidéosurveillance, plusieurs de ses collègues ont reconnu sa silhouette, sans toutefois pouvoir l’identifier formellement.

"L'exploitation des moyens vidéos a permis d'établir une forte ressemblance entre cet individu et un fonctionnaire de police à la brigade des stupéfiants", peut-on lire dans un communiqué du procureur de Paris et du préfet de police, publié samedi.

Reste que seules trois personnes possèdent une clé de la salle des scellés. Or la serrure de cette dernière n'a pas été forcée. Reste donc à savoir s'il a pu les dérober ou s'il a bénéficié de l'aide de complices...

Où est la drogue ?

Les 52 kg de cocaïne n'ont toujours pas été retrouvés. La drogue volée provenait d’une saisie réalisée le 4 juillet et elle est estimée à 2 millions d’euros à la revente. "Elle attirait les convoitises", lâchent – prudemment – quelques sources policières. Cette affaire pose donc le problème de la gestion des scellés et de leur destruction.

Des chiens spécialisés dans la détection de la drogue ont inspecté tous les recoins de la brigade des stupéfiants et de la brigade criminelle pour tenter de comprendre comment 52 kg ont pu s’évaporer d’une pièce munie d’une porte blindée et dénuée de fenêtre…

Pour les enquêteurs, le suspect aurait bénéficié de complices "dans le milieu perpignanais" : il est très difficile d'imaginer qu'une telle quantité de cocaïne puisse s'écouler sans l'aide d'un réseau bien organisé.

• Que va-t-il se passer pour le "36" ?

L’affaire porte un coup à la réputation du service. Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, ne veut donc pas clore le dossier sans y avoir fait toute la lumière. Il a demandé à l'IGPN un audit de la brigade des stupéfiants. Il a également souhaité que les pratiques professionnelles des policiers soient passées au crible. "Il s'agit d'une démarche de progrès collective, protectrice des policiers, qui nécessitera la participation active de tous. De tels actes ne doivent plus être possibles."

"La police doit être aussi irréprochable qu'efficace", a-t-il martelé dans une interview publiée lundi par le Parisien.