La Russie a été condamnée lundi à rembourser 50 milliards de dollars aux ex-actionnaires de Ioukos, un revers pour le pouvoir de Vladimir Poutine accusé d'avoir orchestré le démantèlement de la compagnie pétrolière pour des raisons politiques.
La Cour permanente d'arbitrage de La Haye a ordonné lundi 28 juillet à la Russie de payer à un groupe d'actionnaires de la compagnie pétrolière Ioukos, désormais disparue, une cinquantaine de milliards de dollars (37 milliards d'euros) de dédommagements.
La société avait été placée en liquidation judiciaire en août 2006, à l'issue d'un procès retentissant soupçonné d'être inspiré par le Kremlin pour contrecarrer les ambitions politiques de son patron, Mikhaïl Khodorkovski.
"Le tribunal a de façon unanime et spécifique confirmé que l'offensive de la fédération de Russie contre Ioukos, ses fondateurs, dont Mikhaïl Khodorkovski, et ses employés, était motivée par des raisons politiques", s'est réjoui Tim Osborne, directeur de GML, l'ancien actionnaire principal.
À l'inverse, le ministère russe des Finances a dénoncé une décision "biaisée" et "partiale" et annoncé son intention de faire appel, estimant que le tribunal d'arbitrage permanent de La Haye n'était "pas compétent" sur ce sujet. La Russie fait valoir que la cour d'arbitrage n'a pas tenu compte des violations commises par Ioukos en matière de fiscalité et qu'il est impossible de valoriser ses actifs si longtemps après les événements.
Décision sans précédent
Mais il sera difficile pour la Russie de renverser cette décision sans précédent dans l'histoire de la justice commerciale internationale. "Elle sera appliquée, que ce soit avec ou sans l'accord de la Russie. Ses avoirs à l'étranger peuvent être saisis", a averti le juriste Konstantin Loukoïanov, cité par l'agence de presse russe Itar-Tass.
Ce jugement aux lourdes implications financières tombe sur la Russie à un moment où le pays s'expose à des sanctions des pays occidentaux pour son rôle dans la crise ukrainienne, compliquée par l'affaire du Boeing de la Malaysia Airlines abattu.
La Russie doit en outre faire face à un ralentissement de sa croissance économique et l'annonce du verdict a fait reculer la Bourse de Moscou. Les 50 milliards de dollars représentent environ 2,5 % du produit intérieur brut russe et 57 % du fonds de réserve du pays, destiné à combler des trous budgétaires.
Droit fiscal manipulé
La cour, saisie de l'affaire depuis 2005, a conclu que les autorités avaient manipulé le droit fiscal pour acculer Ioukos à la faillite et s'approprier ses actifs. À l'époque de son expropriation, Ioukos, alors première compagnie pétrolière russe, était contrôlée par l'oligarque Mikhaïl Khodorkovski, naguère l'homme le plus riche de Russie avant d'être incarcéré.
Arrêté en octobre 2003 et condamné à dix ans de prison pour détournement de fonds et fraude, Mikhaïl Khodorkovski, qui avait nié les faits qui lui étaient reprochés, avait bénéficié en décembre dernier d'une libération anticipée, sortant de prison huit mois avant d'avoir purgé la totalité de sa peine.
"Du début à la fin, l'affaire Ioukos a constitué un cas exemplaire du pillage sans réserve d'une entreprise brillante par une mafia liée à l'Etat", a commenté Mikhaïl Khodorkovski, aujourd'hui réfugié en Suisse, sur son site internet.
Avec AFP, Reuters