Au lendemain du crash du vol MH17 de la Malaysia Airlines dans l'est de l'Ukraine, aucune piste n'est encore privilégiée, bien que de lourds soupçons pèsent sur les séparatistes pro-russes. Des enquêteurs internationaux sont attendus sur place.
Accident ? Missile ? Attentat ? Au lendemain du crash d’un Boeing de la Malaysia Airlines dans l’est de l’Ukraine jeudi 17 juillet, aucune hypothèse n’est encore écartée. Les enquêteurs internationaux sont attendus sur place.
Alors que Kiev et les séparatistes pro-russes s’accusent mutuellement d’avoir abattu l’avion de ligne, le président américain Barack Obama a demandé une enquête "sans entraves" et insisté pour que "toutes les preuves sur les lieux du crash" restent en place jusqu’à l’arrivée des enquêteurs internationaux.
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Le vol MH17 entre Amsterdam et Kuala Lumpur a explosé jeudi en plein air alors qu’il volait à près de 10 000 mètres d’altitude, au-dessus d’une zone tenue par les insurgés séparatistes pro-russes, causant la mort des 298 personnes à bord.
Désintégration du MH17 à haute altitude
Les journalistes ayant visité la zone du crash ont fait état de débris éparpillés sur une "vaste zone". Des témoignages corroborés par les premières images du drame qui montrent, par exemple, la queue de l’appareil avec son logo Malaysia Airlines clairement isolée au milieu d’un champ. Cela correspond, selon les experts, à un appareil qui s’est disloqué à haute altitude. Si l’avion avait été en un seul morceau au moment du crash, les débris seraient au contraire concentrés sur une zone beaucoup plus réduite.
L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a annoncé vendredi que les séparatistes ukrainiens avaient accepté de coopérer à l'enquête et de garantir la libre circulation et la sécurité des experts.
L’accès à la zone du crash permettra aux enquêteurs d’examiner la carcasse et de déterminer si l’explosion qui a provoqué la dislocation de l’avion a bien été provoquée par un missile, comme le suspectent les experts des renseignements américains. Selon Robert Goyer, rédacteur en chef de la revue spécialisée "Flying Magazine", les enquêteurs pourraient très rapidement déterminer avec précision quel type d’engin a causé la destruction de l’appareil.
"Une fois que [les enquêteurs] auront trouvé des traces chimiques de l’engin, ils seront capables de dire avec certitude quel type d’explosif a causé les dommages, et probablement où la charge a été produite et par qui", écrit Robert Goyer dans un article sur le site de "Time Magazine".
Possible bavure rebelle
Ce type d’examen approfondi devrait permettre de confirmer ou démentir les soupçons qui pèsent lourdement sur les séparatistes pro-russes. Jusqu’à présent, ces derniers sont les seuls à avoir utilisé des missiles sol-air, afin de détruire des aéronefs militaires ukrainiens.
Quelques heures seulement après le crash, les services de sécurité ukrainiens ont diffusé des documents sonores présentés comme des interceptions de communications entre membres des services de renseignement russes. Les officiers, non identifiés, y évoquent clairement un avion civil abattu par erreur par un groupe rebelle. Aucune source indépendante n'a, pour l'heure, pu confirmer l'origine de ces enregistrements.
Le scénario d’une bavure des séparatistes est renforcé par les communications officielles des autorités séparatistes. La "République populaire de Donetsk" a ainsi publié sur son compte Twitter officiel un message affirmant s’être emparé de missiles sol-air Bouk, capables d’atteindre des cibles à une altitude de 25 kilomètres. Le tweet publié plus tôt dans la journée du 17 juillet a été rapidement effacé par l’entité séparatiste.
Autre détail troublant : un commandant séparatiste a indiqué, jeudi, sur sa page Facebook que les insurgés pro-russes avaient abattu un avion de transport militaire ukrainien An-26 à peu près à l'heure et dans la zone de la chute de l'avion de ligne malaisien, avant d’effacer également ce message.
Consternation internationale
Pour Raymond Finch, un expert des questions militaires en Eurasie pour le Foreign Military Studies Office, il est probable que ces missiles Bouk soient actuellement maniés par des opérateurs peu qualifiés.
"Quand vous êtes assis derrière l’écran radar d’un de ces engins, il n’y a aucun moyen de distinguer entre ami et ennemi […]. La question est de savoir si les personnes derrière la gâchette sont hautement qualifiées. J’aurais tendance à penser qu’elles ne l’étaient pas", déclare Finch à la revue "New Republic".
Si la thèse d’un tir de missile sol-air Bouk par les rebelles pro-russes se confirme, la pression internationale contre la Russie risque de monter très rapidement. Les autorités ukrainiennes ont accusé le maître du Kremlin à plusieurs reprises - et ce, bien avant le drame du vol MH17 - de fournir des missiles anti-aériens aux insurgés séparatistes. Quelques heures avant le crash, un porte-parole militaire ukrainien, Andriï Lyssenko, avait notamment dénoncé la livraison de missiles Bouk russes aux forces rebelles.
Sur ce point, les experts apparaissent divisés. Pierre Servent, spécialiste des questions de défense, estime ainsi sur FRANCE 24 que les séparatistes ne disposaient pas de missiles sol-air de longue portée : "Si les Russes leur avaient fourni des batteries de missiles, les services d'espionnage l'auraient vu, à mon avis, parce que c'est un équipement très visible".
Les progrès de l’enquête seront très suivis dans les nombreux pays dont des ressortissants se trouvaient sur le vol MH17. Selon le dernier décompte fourni par Malaysia Airlines, le Boeing transportait au moins 154 Néerlandais, 43 Malaisiens (dont 15 membres d’équipage), 27 Australiens, 12 Indonésiens, neuf Britanniques, cinq Belges, trois Philippins, et un Canadien. De quoi transformer un conflit régional aux confins du continent européen en une crise internationale majeure.