
Le pire cauchemar du Brésil est devenu réalité mardi à Belo Horizonte. Soixante-quatre ans après le "Maracanazo", sa défaite à Rio face à l’Uruguay en finale du Mondial, la Seleçao a vécu le "Mineirazo" face à l’Allemagne, une humiliation (7-1).
Honte, désastre, déroute, humiliation, les mots manquent pour décrire l’état dans lequel se trouve le Brésil après sa défaite en demi-finale de la Coupe du monde face à l’Allemagne (7-1) dans le stade Mineirao.
"Comme tous les Brésiliens, je suis très, très triste de la défaite. Je suis immensément désolée pour nous tous, pour les supporteurs, pour les joueurs", a réagi la présidente brésilienne Dilma Rousseff sur son compte Twitter.
Il faut dire que la Seleçao vient d’enregistrer sa pire défaite de l'histoire en Coupe du monde, la pire de l'ère moderne... Un score jamais vu en demi-finale d'un Mondial (6-1, 1954 et 1930). Historique et cauchemardesque donc pour le pays hôte qui rêvait d’un sixième sacre mondial dimanche à Rio.
"Au peuple brésilien, je demande pardon pour ce résultat négatif, pardon pour ne pas avoir atteint la finale", s’est excusé l’entraîneur Luiz Felipe Scolari à l’issue du match. "Le responsable, c'est moi. C'est probablement ma pire défaite. J'ai perdu d'autres matches comme joueur et entraîneur (...) mais je crois que c'est la pire journée de ma vie. C'est la pire défaite du Brésil, c'est horrible, moche..."
Cette élimination humiliante est un désastre national pour le pays du "futebol" où la Seleçao est un puissant vecteur de l'identité brésilienne. Cette défaite ne manquera pas de plonger le pays dans le désarroi à l'image des pleurs des spectateurs dans le stade. Dès la mi-temps, alors que le score était de 5 à 0 en faveur de l’Allemagne, on pouvait voir des enfants et des femmes pleurer sur les grands écrans du stade, des hommes hébétés dont certains sanglotaient à la fin du match...
Les joueurs, effondrés, ont bien tenté de remercier les spectateurs à la fin de la rencontre mais ils n'ont reçu que huées et sifflets. David Luiz, Oscar, Bernard ont ainsi quitté le stade en pleurs. "Pardon à tout le monde, à tout le peuple brésilien. Je voulais voir le peuple du Brésil sourire. Tout le monde sait que c'est important pour moi de voir le Brésil heureux grâce au foot", a déclaré, les yeux rougis, le futur joueur du PSG David Luiz.
Après le "Maracanazo", voici le "Mineirazo"
Cette défaite face à la Nationalmannschaft, rappelle forcément le drame du "Maracanazo", la déroute de 1950 face à l'Uruguay (2-1) au stade Maracana de Rio de Janeiro, qui avait brisé le rêve des Brésiliens de remporter leur première Coupe du monde. Le 16 juillet 1950, il y a 64 ans, les 200 000 supporteurs du Maracana et tout un peuple avaient sombré, pour des années, dans le désespoir de cette défaite qui les renvoyait à leur historique "complexe de vira-lata" ("chien errants", NDLR), de citoyens du monde de seconde zone.
Le Mondial-2014 offrait une chance d'exorciser à jamais ce démon. C’est raté. Cuisante par son ampleur, la défaite face à l’Allemagne restera désormais dans l'histoire comme le "Mineira(z)o", du nom du stade de Belo Horizonte. Une défaite d'autant plus dure à digérer que la Seleçao fédère bien au-delà des barrières sociales et raciales, dans ce pays de 200 millions d’habitants, grand comme 14 fois la France. Le Brésil a élevé le football au rang d'art, admiré dans le monde entier, avec son "jogo bonito" et ses joueurs de légende: Pelé, Garrincha, Zico, Socrates, Ronaldo, Romario...
Le Brésil est le seul pays au monde à avoir remporté cinq fois la Coupe du monde. Ici, le football est une danse sacrée inspirée de la samba, la Seleçao une religion. Un culte tellement sacré qu'il a étouffé toute revendication sociale pendant la compétition. Et ce alors que beaucoup craignaient une réplique des manifestations massives qui avaient embrasé le Brésil en juin 2013 pour dénoncer le facture publique du Mondial, l'indigence des services publics et d'une classe politique dans son ensemble décriée.
Mardi, à Belo Horizonte, la rencontre a justement été émaillée par des insultes à la présidente brésilienne Dilma Rousseff, laissant présager des lendemains difficiles pour
cette fin du Coupe du monde, qui a coûté 11 milliards de dollars au pays et ne lui rapportera pas son sixième titre mondial.
Avec AFP