Démission du PDG, mise en liquidation judiciaire : en quelques jours la société espagnole Gowex est passée du statut de star high-tech à celui de fraudeuse. Un mystérieux groupe baptisé Gotham City Research est l'artisan de cette déconvenue.
Patatras. L’ex-star de la scène high-tech espagnole, Let’s Gowex (communément appelée Gowex), a déposé le bilan après la démission de son PDG, Jenaro Garcia Martin, dimanche 6 juillet. Il y a encore une semaine, pourtant, tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes numériques pour cette société spécialisée dans la fourniture de connexion Wifi aux restaurants et autres lieux publics un peu partout dans le monde.
Pido perdón a todos. Lo siento de todo corazón.
— Jenaro Garcia (@jero_net) 6 Juillet 2014Cette jeune pousse apparemment prometteuse a reconnu ce week-end avoir falsifié ses comptes pendant quatre ans. “Je demande pardon à tous. Je m’excuse de tout mon cœur”, a déclaré, sur Twitter, Jenaro Garcia Martin qui a assumé l’entière responsabilité de la fraude.
Comment le conte de fée de Let’s Gowex, qui, en février 2014, avait encore une capitalisation boursière de deux milliards d’euros, s’est transformé en cauchemar en l'espace de quelques jours ? Dans le plus pur style hollywoodien, le vilain PDG a trouvé sur son chemin un super-héros. Dans cette affaire, c’est le très discret groupe américain Gotham City Research (du nom de la ville où évolue Batman) qui a endossé les habits de justicier de la finance.
“Gowex vaut 0 euro”
Gotham City Research avait publié, mercredi 2 juillet, un rapport assassin sur la start-up espagnole. Au terme de 90 pages d’analyses de comptes, Gotham City Research a conclu que Gowex valait "0 euro par action. Plus de 90 % du chiffre d'affaires déclaré de Gowex n'existe pas. Nous pensons que ses revenus réels sont inférieurs à 10 millions d'euros”.
Jenaro Garcia Martin a tout d’abord dénoncé ce qu’il a appelé des “affabulations” et appelé à une enquête sur les méthodes de Gotham City Project. Mais il a très rapidement rendu les armes et reconnu les faits, plongeant la place financière espagnole dans une grande stupeur. Gagnés par une méfiance à l’égard de la scène high-tech espagnole, les investisseurs se sont, depuis lundi, détournés des jeunes pousses ibères qui ont tous chuté en Bourse.
Gotham City Research a, pour sa part, salué les aveux "courageux" du patron espagnol et appelé les autres PDG d’entreprises accusées par ce groupe à faire de même. Car, comme le rappelle le quotidien britannique “Financial Times”, ces auditeurs de l’ombre n’en sont pas à leur coup d’essai. Ils ont déjà épinglé quatre autres sociétés : le fournisseur d’assurance pour logiciels informatiques Ebix, le spécialiste de la sous-traitance Quindell, la société de recherches sur Internet pour professionnel Blucora et le vendeur en ligne de carreaux personnalisables The Tile Shop. À chaque accusation portée par ces analystes de l'ombre, l’action de la société accusée de fraude ou de manipulation comptable fait une chute vertigineuse en Bourse.
Un Robin des bois financièrement intéressé
Gotham City Research est en train de se construire une réputation de Robin de bois des marchés financiers tout en restant aussi discret que possible. Ce n’est que mardi 8 juillet, soit plus d'un an après sa création, que l’investisseur américain Daniel Lu a reconnu, sur la chaîne américaine Bloomberg, avoir fondé ce groupe. Il n’a, en revanche, pas voulu rentrer dans les détails de son fonctionnement.
Une chose est sûre : leurs révélations visent avant tout à leur rapporter de l’argent. “Nous pouvons avoir des positions courtes ou longues sur les sociétés au sujet desquelles nous écrivons nos rapports”, explique Gotham City Research sur son site. Pas étonnant : son fondateur Daniel Lu est un spécialiste de la vente à découvert, amateur de positions courtes en Bourse.
Cette technique est simple et peut rapporter gros si l’investisseur dispose, comme Gotham City Research, d’informations explosives : la vente à découvert revient à “emprunter” des actions d’une société à un tiers, les céder au prix du marché en promettant de les racheter plus tard. Si entre temps l’action s’est effondrée pour une raison ou une autre - comme la publication d’un rapport de Gotham City Research -, l’investisseur va payer beaucoup moins pour les récupérer et se fera un beau profit au passage.
Pour l’instant Daniel Lu et Gotham City Research semble avoir à chaque fois réussi leurs coups boursiers. L’investisseur n’a pas révélé combien ses coups d’éclat ont rapporté à Gotham City Research. Mais il a promis au “Financial Times” de continuer “sa croisade contre les sociétés frauduleuses”.