L’ancien président Nicolas Sarkozy, son avocat et un haut magistrat ont été mis en examen pour trois chefs d’accusation. Celui de corruption n’avait pas encore été évoqué jusqu’à présent. C’est pourtant le plus grave.
C’est l’invité surprise des mises en examen de l’ancien président Nicolas Sarkozy, de son avocat Thierry Herzog et du magistrat Gilbert Azibert. Jusqu’à présent, il n’avait été question que de trafic d’influence et de violation du secret professionnel. Le chef d’accusation de corruption est venu, mercredi 2 juillet, alourdir la note des trois hommes.
"C’est clairement la voie judiciaire la plus agressive des trois", souligne Sylvain Cormier, avocat pénaliste à Lyon interrogé par FRANCE 24. C’est non seulement la "plus sévère et dévalorisante d’un point de vue moral", rappelle-t-il, mais c’est aussi celle qui peut coûter le plus cher. Surtout dans cette affaire car la personne soupçonnée d’avoir été corrompue, Gilbert Azibert, est un magistrat. Qu’est-ce que cela change ? C’est, dans ce cas, un article particulier du code pénal qui s’applique (434-9) et qui prévoit une peine de 10 ans d’emprisonnement assortie d’une amende d’un million d’euros, soit deux fois plus que le régime commun de la corruption.
Où est la corruption ?
Qu’est-ce qui a pu convaincre les enquêteurs d’ajouter à la liste des chefs d’accusation la corruption active dans le cas de Nicolas Sarkozy et de Me Thierry Herzog, et passive dans celui de Gilbert Azibert ? "C’est difficile à dire sans avoir accès à l’ensemble du dossier. Il faut rechercher un acte effectué par la personne corrompue sur demande du corrupteur en échange d’une faveur", résume Me Sylvain Cormier. Le fait d’avoir fait miroiter à Gilbert Azibert un poste au Conseil d’État de Monaco en échange de services rendus ressemble à une faveur.
Reste à trouver ce que Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog auraient obtenu de Gilbert Azibert et qui entre dans la définition de la corruption. C’est plus difficile. "Le corrompu doit s’être engagé à réaliser un acte, facilité par sa fonction, et dont le corrupteur espère tirer un bénéfice qu’il aurait été plus difficile voire impossible à obtenir sinon", explique Sylvain Cormier. Le simple fait de tenir Me Thierry Herzog et Nicolas Sarkozy informés de l’évolution des dossiers impliquant l’ancien président peut-il suffire ? C’est possible mais les enquêteurs détiennent peut-être des éléments plus concrets qui n’ont pas été révélés à la presse.
Nicolas Sarkozy, donneur d’ordre ?
Une chose est sûre en tout cas : qu’importe, en l’occurrence, que l’action de Gilbert Azibert ait porté ses fruits ou non. Le délit de corruption est caractérisé à partir du moment où tout le monde s’engage à tenir sa part du contrat. Dans le même esprit, le fait que le magistrat en fin de carrière n’ait finalement pas été nommé au Conseil d’État ne change rien à l’affaire.
Ce qui risque de poser davantage de problèmes aux enquêteurs est de démontrer le lien direct entre Nicolas Sarkozy et Gilbert Azibert. "Il faut prouver qu’il est le donneur d’ordres", assure Sylvain Cormier. Dans les retranscriptions des interceptions téléphoniques publiées en mars 2014 par le site "Mediapart", c’est toujours Thierry Herzog qui semble être en contact avec le magistrat soupçonné de corruption passive. À aucun moment, l’ancien président ne demande expressément de lancer Gilbert Azibert à la pêche aux informations. Pour Me Cormier, la capacité ou non de démontrer ce lien direct est l’un des “points cruciaux” pour l’avenir judiciaire de Nicolas Sarkozy.