
L’Algérie affronte l'Allemagne lundi, une équipe dans le collimateur des Verts depuis le Mondial-1982, où ils avaient été victimes d'un match arrangé entre les Allemands et les Autrichiens. Entretien avec Lakhdar Belloumi, légende du foot algérien.
Les Fennecs vont disputer, lundi 30 juin, un match historique… à plus d’un titre : c’est la première fois de leur histoire que les Algériens atteignent les huitièmes de finale de la Coupe du monde. Aussi – et surtout – l’Algérie va affronter l’Allemagne, une équipe qu’elle avait déjà affrontée lors de sa première participation au Mondial, en 1982, compétition qui a laissé un goût amer chez les Verts. Lors de cette Coupe du monde, l’Algérie avait battu 2-1, à la surprise générale, la République fédérale d’Allemagne (RFA) en phase de poule. Mais elle avait finalement été éliminée après "le match de la honte" entre la RFA et l’Autriche. De cette rencontre dépendait le sort de l’Algérie : si la RFA perdait, les Fennecs étaient qualifiés pour les huitièmes. Si elle gagnait en revanche, les Allemands accédaient, avec les Autrichiens, au deuxième tour. Au bout de quelques minutes de jeu, la RFA a inscrit un but, puis les joueurs se sont ensuite contentés de passes inoffensives, assurant ainsi la qualification deux équipes germanophones, au détriment de l’Algérie. De quoi alimenter des suspicions d’arrangement entre les deux "adversaires".
Avant ces retrouvailles historiques entre Algériens et Allemands lundi en terre brésilienne, FRANCE 24 s’est entretenu avec Lakhdar Belloumi, membre de l’équipe nationale lors de ce fameux Mondial-1982 et auteur du but de la victoire face à la RFA. L’homme est une légende vivante : considéré comme l’un des joueurs les plus talentueux de sa génération, il a décroché le Ballon d’or africain en 1981 et participé à plus de 100 matches avec la sélection algérienne.
FRANCE 24 - Que représente pour vous ce match de huitièmes de finale contre l’Allemagne ?
Lakhdar Belloumi - Il faut que les Verts nous vengent des Allemands. L’histoire nous donne maintenant une occasion en or pour réécrire ce mondial à notre façon. En 1982, notre joie nous a été volée lorsque nous avons été trahis et que notre victoire a été dérobée à cause du complot de l’Allemagne contre nous. C’est pourquoi ils doivent prendre maintenant la revanche des Algériens. Tous les indicateurs montrent qu’ils en sont capables.
F24 - Selon vous, les joueurs algériens sont-ils à même de créer la surprise à Porto Alegre lundi soir ?
L. B. - L’esprit combatif des Algériens est leur première arme sur le terrain. De la même manière que nous l’avons fait en 1982, les Verts jouent aujourd’hui en pensant à leur patrie, aux millions d’Algériens qui les encouragent à travers le monde et à tous les Arabes qu’ils représentent aussi. Quand nous jouons, nous portons tout cela en nous, et nous ne pouvons que nous battre sur le terrain pour gagner ou, tout au moins, sortir avec les honneurs.
F24 - Quelles sont les chances de l’équipe algérienne ? Quels joueurs pourraient faire la différence ?
L. B. - Cette sélection a d’ores et déjà changé le cours du football algérien : elle est entrée dans l’histoire en faisant, pour la première fois, accéder l’Algérie au deuxième tour du mondial. Nombre de joueurs algériens n’ont pas à rougir de leurs performances face à l’Allemagne, l’une des meilleures équipes du monde. Slimani, par exemple, a réussi, seul, à inverser le cours du match contre la Corée du Sud. Autre exemple : le gardien M’Bolhi, grâce à qui l’Algérie a pu obtenir un match nul contre la Russie et se qualifier pour les huitièmes de finale. Brahimi a aussi beaucoup donné pour que l’équipe arrive là où elle est aujourd’hui.
F24 - Au regard de votre expérience, quel conseil pouvez-vous donner aux joueurs Algériens à la veille de ce match décisif face à un géant du football mondial ?
L. B. - Ils doivent continuer à jouer comme une équipe unie et complémentaire. Ils doivent avoir confiance en eux tout au long des 90 minutes du match, car ils sont capables de réaliser ce que certains considèrent comme impossible. En 1982 personne ne s’attendait à ce qu’on batte l’Allemagne et pourtant on l’a fait. Nous leur avons transmis le flambeau, à eux maintenant d’entretenir la flamme. Nous sommes des millions d’Algériens derrière eux.