Fuyant les djihadistes de l’EIIL, des centaines de milliers d'Irakiens se sont massés aux portes de la région autonome du Kurdistan irakien. Mais la province accueille déjà de nombreux réfugiés syriens et peine à gérer ce nouvel afflux.
Ils sont un demi-million à fuir Mossoul et les djihadistes de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL). Environ 500 000 Irakiens, hommes, femmes et enfants, ont pris ces derniers jours le chemin de l’exode après la prise spectaculaire de cette métropole du nord du pays. Cinq cent mille personnes, selon les chiffres de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) qui, pour beaucoup, sont partis à pied sous une chaleur étouffante pour tenter de rejoindre Erbil, la capitale du Kurdistan voisin, à une petite centaine de kilomètres de là.
UNHCR steps up aid efforts in #Iraq in response to massive displacement of ppl from #Mosul - http://t.co/SdQ2BPOQBC pic.twitter.com/0yg6OJUkK2
— UNAMI (@UNiraq) 12 Juin 2014Tous tentent d’échapper aux extrémistes de l’EIIL, à la sinistre réputation, qui contrôlent désormais plusieurs villes du nord de l’Irak (Mossoul, Ghezlani, Al-Charkat…) "Je ne me sens pas en sécurité", a confié un habitant de Mossoul à Human Right Watch (HRW). "J’ai peur de l’EIIL. Ils peuvent tuer sans raison parce que je suis un fonctionnaire, parce que je ne prie pas comme ils le voudraient, parce que ma barbe n’a pas la bonne longueur…"
Photo: Massive traffic jams as people flee #Mosul, #Iraq. v @PatrickOsgood pic.twitter.com/slIQUYFpN3
— Garret Pustay (@garretpustay) 11 Juin 2014Beaucoup ont donc choisi de fuir leurs domiciles du jour au lendemain, par peur des massacres, "des tortures, des exécutions sommaires, des détentions arbitraires", énumère HRW dans son rapport rendu public le 12 juin. Ils sont des milliers à se masser aux portes d’Erbil, dans des conditions précaires. "Certaines familles passent plus de deux jours à attendre dans les bouchons", a raconté Ali Abbass, un étudiant de Mossoul réfugié à Erbil, aux Observateurs de FRANCE 24, mercredi 11 juin. "À l’entrée de la capitale kurde, même les femmes, les enfants et les personnes âgées doivent attendre des heures et négocier leur entrée dans la ville. Certains bénévoles distribuent de l’eau, mais cela reste rare. J’ai croisé une jeune fille de 13 ans, trop déshydratée pour marcher", a-t-il encore décrit. Tous essaient d’obtenir un permis de séjour afin d’entrer dans la région autonome du Kurdistan.
"Des structures de santé dans des écoles ou des mosquées"
La situation humanitaire s'est très rapidement dégradée. Face à l'afflux soudain de milliers de personnes, Marc Schakal, chef de mission Irak et Jordanie pour Médecins sans frontières (MSF), a expliqué à FRANCE 24 les difficultés de ses équipes à évaluer les besoins immédiats des déplacés. "Il faut gérer les gens qui sont arrivés à Erbil mais il faut aussi - et surtout - s’occuper de ceux qui n’ont pas pu traverser la frontière et qui se sont dispersés aux portes de la ville. Un médecin m’a dit que les hôpitaux étaient mal approvisionnés. Les bénévoles improvisent. On bâtit des structures de santé dans les écoles et dans les mosquées", a-t-il précisé.
Kurds @ checkpoints helping refugees coming from #Mosul w water & bread, Xazir/Bardarash. pic.twitter.com/Xl4lXIFO9n MT @BaxtiyarGoran #iraq
— The Power Of One. (@france7776) 10 Juin 2014Saman Majeed, à la tête de l'ONG Reach, basée dans le Kurdistan irakien, fait le même constat. "La situation est très mauvaise à Erbil, a-t-il indiqué. Il y a des milliers de personnes massées au point de contrôle. Elles sont arrivées en voiture ou même à pied. Certains attendent dans leurs voitures […]. C'est une situation terrible. J'ai rencontré des membres du gouvernement kurde. Ils aident ces gens. [...] Mais ce n'est pas très bien organisé."
Pour pallier cette organisation chaotique, les autorités kurdes prévoient de monter des camps supplémentaires à Erbil et à Dohuk, dans l'ouest du pays. Mais le gouvernement, qui gère déjà de nombreux réfugiés syriens, peine à faire face. "Le Kurdistan compte quelque 220 000 Syriens qui ont fui les combats dans leur pays [ces trois dernières années, NDLR]", rappelle Marc Schakal. Les milliers de tentes des réfugiés syriens s’étendent déjà à perte de vue sur les terres kurdes, des camps que les autorités ne parviennent que péniblement à approvisionner, ne serait-ce qu'en eau potable. Dans ce contexte, l'accueil en masse de réfugiés irakiens pourrait se révéler fort délicat.