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Prise de Mossoul en Irak : "Les djihadistes de l'EIIL de plus en plus puissants"

La prise de Mossoul, puis de six secteurs de la province de Kirkouk, par les djihadistes de l’EIIL est un coup majeur porté aux autorités du pays. Elle montre la montée en puissance du mouvement extrémiste sunnite dans la région.

C'est un coup de massue porté aux autorités irakiennes. Les djihadistes de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) ont gagné du terrain, mardi 10 juin. Ils ont pris mardi le contrôle de deux secteurs de la province de Salaheddine, au nord de Bagdad, après s'être emparés plus tôt dans la journée de l'intégralité de celle de Ninive, dont sa capitale Mossoul, et de parties de celle de Kirkouk.

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Prise de Mossoul en Irak : "Les djihadistes de l'EIIL de plus en plus puissants"

Une situation de plus en plus alarmante avec des hommes que rien ne semble pouvoir arrêter. En prenant Mossoul, chef lieu de la province de Ninive, l’EIIL avait réussi le coup de force de contrôler une région entière dans le nord du pays. Une première pour les insurgés.

"Mossoul n’est pas n’importe quelle ville. C’est une cité avec des ressources pétrolières non négligeables, c’est une ville riche, et donc stratégiquement importante, explique Karim Pakzad, spécialiste de l’Irak à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris). Les autorités irakiennes sont très inquiètes, évidemment. Même si l’attaque djihadiste a été fulgurante, le constat reste le même : l’armée n’a pas pu la contrer."

#Iraq #ISIS freed 1440 prisoners from Badush prison in #Mosul pic.twitter.com/VYfzaIXmpy

— Elijah J Magnier (@EjmAlrai) 10 Juin 2014

Zone d’influence très étendue

Depuis le début de l’année 2014, les forces irakiennes luttent contre l’EIIL qui a pris début janvier le contrôle de Fallouja et certains quartiers de Ramadi, dans le centre du pays. Avec la chute de Mossoul, les djihadistes sunnites font d’une pierre deux coups : non seulement ils étendent considérablement leur zone d’influence au nord de l’Irak mais ils mettent également en lumière l’impuissance des forces de sécurité.

"Certes, l’essentiel des forces armées irakiennes n’est pas concentré dans le nord, poursuit Karim Pakzad. Mais elles sont plutôt massées autour de Bagdad, qui n’est qu’à 60 kilomètres de Fallouja et elles sont regroupées en nombre dans le sud du pays, où se trouvent les ressources pétrolières. La victoire des djihadistes contre une armée régulière prouve à quel point l’EIIL est de plus en plus puissant aujourd’hui", poursuit l’expert.

Une puissance qui force d’ailleurs le questionnement. Comment les membres de l’EIIL ont-ils pu s’emparer aussi rapidement de la troisième ville du pays ? En profitant de la fragilité du pays, tiraillé depuis le retrait américain entre luttes d’influence politique et tensions confessionnelles, certes, mais aussi en tirant profit de leur présence en Syrie. "Depuis que l’État islamique en Irak et au Levant s’est implantée en Syrie, il y a environ deux ans, le mouvement s’est largement renforcé, en nombre d’hommes, en armement, en stratégie militaire. L’EIIL est devenu une force militaire importante", explique Karim Pakzad.

#Mosul, the 2nd largest city in #Iraq, this morning. Army camps on fire & #ISIS rules. pic.twitter.com/Gqe78MpJkP

— Zaid Benjamin (@zaidbenjamin) 10 Juin 2014


La donnée kurde

Importante…. Et riche ? Le spécialiste de l’Iris rappelle que le Premier ministre chiite Nouri al-Maliki accuse régulièrement le Qatar et l’Arabie saoudite, tous deux sunnites, de soutenir financièrement les insurgés de l’EIIL. "Ce qui, si les faits sont avérés, permettrait aux djihadistes d’acheter, par exemple, du matériel militaire de qualité."

Et surtout, conclut l’expert, l’EIIL peut compter sur le soutien des tribus de la région de Ninive, hostiles au pouvoir chiite. "La politique menée par le gouvernement de Nouri al-Maliki a eu un effet néfaste : elle a aidé à la radicalisation d’une partie des sunnites qui se sentent marginalisés par le pouvoir. Certaines tribus dans cette région, à cheval entre la Syrie et l’Irak, ont commencé à soutenir l’EIIL."

Reste désormais à savoir combien de temps les djihadistes réussiront à tenir la ville. Car selon Karim Pakzad, l’EIIL ne "restera pas durablement" à Mossoul. "Contrairement à Fallouja, où ne vivent que des sunnites, Mossoul est une ville du Nord où cohabitent des sunnites et des Kurdes. Ces derniers majoritairement laïcs et anti-islamistes voient d’un très mauvais œil l’arrivée de ces extrémistes sunnites", explique Karim Pakzad. "N’oublions pas que Mossoul est aux portes du Kurdistan… À quelques kilomètres d’Erbil, la capitale kurde. La pérennité de l’EIIL dans la zone est donc loin d’être assurée."