Dans un message diffusé sur la télévision publique, le roi d'Espagne, Juan Carlos, 76 ans, a expliqué les raisons pour lesquelles il cédait le trône à son fils, le prince Felipe, 46 ans. L'héritier de la Couronne règnera sous le nom de Felipe VI.
Le roi d’Espagne abdique. Juan Carlos, âgé de 76 ans, a confirmé, lundi 2 juin, dans un message télévisé qu'il cédait le trône à son fils, le prince Felipe, afin d'impulser le "renouveau" de la monarchie dans une Espagne en crise. L'abdication surprise du roi avait été annoncée plus tôt par le Premier ministre espagnol, Mariano Rajoy.
"Le prince des Asturies a la maturité, la préparation et le sens de la responsabilité nécessaires pour prendre avec toutes les garanties la tête de l'État et ouvrir une nouvelle étape d'espoir dans laquelle seront alliées l'expérience acquise et l'impulsion d'une nouvelle génération", a déclaré le monarque dans un message diffusé sur la télévision publique.
it"Mon fils Felipe, héritier de la Couronne, incarne la stabilité qui est la marque d'identité de l'institution monarchique", a-t-il poursuivi. Et d'ajouter : "Lorsque j'ai eu 76 ans en janvier dernier, j'ai estimé que le moment était venu de préparer dans quelques mois la relève pour laisser la place à celui qui se trouve dans des conditions parfaites pour garantir cette stabilité."
Felipe, prince des Asturies, âgé de 46 ans, deviendra donc le prochain roi d'Espagne sous le nom de Felipe VI.
Un conseil des ministres "extraordinaire" doit être convoqué mardi afin d'amorcer le processus d'abdication. Il sera "nécessaire d'approuver une loi organique", a rappelé Mariano Rajoy. "J'espère que dans un délai de temps très court, le Congrès espagnol pourra approuver la nomination comme roi" du prince Felipe, 46 ans, a-t-il précisé.
Juan Carlos, monté sur le trône à la mort de Franco en novembre 1975, a construit sa popularité en menant la transition de l'Espagne vers la démocratie, avant de connaître une fin de règne marquée par les ennuis de santé et les scandales de corruption - touchant notamment sa fille, l'infante Cristina.
Son image a également été sérieusement écornée par sa participation à un safari au Botswana en avril 2012. Ce voyage onéreux avait choqué les Espagnols qui subissent de plein fouet la crise économique.
itHéros de la transition démocratique
Mais le roi n’a pas toujours traîné cette réputation sulfureuse. Il y a 31 ans, Juan Carlos était un homme adoré par son peuple. Le 23 février 1981, il a déjoué une tentative de coup d'État menée par le lieutenant-colonel Antonio Tejero, le dauphin de Franco. Ce jour-là, il est devenu le héros de la transition démocratique.
Autre image forte : celle de son couronnement, le 22 novembre 1975, soit deux jours après la mort de Franco. Pendant des années, les manières simples et naturelles de ce chef d'État réputé proche de son peuple, menant discrètement sa vie privée, passionné de sport, notamment de voile et de ski, lui ont valu l'affection des Espagnols.
Juan Carlos, par son aura internationale, a aussi été "au Maroc, en Chine, aux États-Unis, un ambassadeur de luxe pour l'Espagne", souligne Luis Palacios Banuelos, professeur d'histoire à l'université Rey Juan Carlos de Madrid.
Mais ces dernières années, l'image d'un roi vieillissant, malmené par les scandales, n'aura pas résisté aux retombées de la crise économique qui, depuis 2008, a porté un coup d'arrêt aux années de prospérité et déclenché une profonde crise de confiance envers les institutions. "Le pacte du silence qui régnait autour de la royauté n'existe plus", analysait au printemps 2012 Antonio Torres del Moral, expert de la monarchie espagnole.
Déboires de la famille royale
Il faut dire que la famille royale a accumulé les déboires ces dernières années : ses enfants sont apparus de plus en plus régulièrement dans la presse, en raison notamment du mariage controversé du prince héritier Felipe, en 2004 avec Letizia Ortiz, roturière, journaliste et divorcée, et de la séparation tonitruante, en 2007, de la princesse Elena et de son époux, Jaime de Marichalar.
Mais l'épisode le plus grave est de loin le scandale de corruption dans lequel la justice soupçonne depuis 2011 l’implication du gendre de Juan Carlos, Iñaki Urdangarin. Son épouse, l'infante Cristina, seconde fille du roi et de la reine Sofia, a, elle aussi, été mise en examen par la justice. Une première dans le pays.
Et puis, des ennuis de santé à répétition, depuis une opération d'une tumeur bénigne au poumon en mai 2010, ont aussi terni son image de souverain fringant à l'humour facile, et placé les Espagnols face à l'horizon chaque jour plus proche du passage de pouvoir à Felipe.
Avec AFP