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En menaçant d’infliger 10 milliards de dollars d'amende à la BNP selon les informations du "Wall Street Journal", Washington semble placer tout en haut des délits financiers le fait de faire des affaires avec des pays sous embargo.
Jamais le bras judiciaire des États-Unis n’avait menacé de s’abattre aussi lourdement sur une banque étrangère. Washington veut infliger à BNP Paribas une amende record de 10 milliards de dollars (7,3 milliards d’euros), assortie d’un éventuel retrait temporaire de sa licence bancaire aux États-Unis, assure, jeudi 29 mai, le quotidien économique "Wall Street Journal". Une somme deux fois plus élevée que les rumeurs qui circulaient jusqu’à présent, et bien plus importante que les 1,7 milliard d’euros que la banque a provisionné à cet effet.
Le montant n’a pas encore été confirmé officiellement, et des négociations ont actuellement lieu. Mais cette menace donne clairement l’impression "que la BNP Paribas a, aux yeux des autorités américaines, eu le comportement le plus condamnable de toutes les banques", remarque Pascal de Lima, économiste en chef au cabinet de conseil EcoCell.
Ce que la banque française risque, pour avoir fait des affaires en dollars avec des pays "ennemis" des États-Unis comme l’Iran, le Soudan ou Cuba dépasse de loin les amendes, même cumulées, infligées à HSBC (1,9 milliard de dollars ou 1,4 milliard d’euros) ou au Crédit Suisse (2,5 milliards de dollars ou 1,89 milliard d’euro). "Le message est que pour Washington, faire du commerce avec des pays sous embargo est plus grave que blanchir l’argent de la drogue [charge retenue contre HSBC, NDLR] ou organiser l’évasion fiscale [dans le cas de Credit Suisse, NDLR]", explique Pascal de Lima.
"Imposer sa vision de l’ordre mondial"
BNP Paribas n’égale cependant pas le record de JP Morgan, qui avait accepté de payer 12 milliards de dollars en novembre 2012, pour son rôle dans la crise des subprimes. Mais les deux affaires sont difficilement comparables. JP Morgan règle non seulement sa propre ardoise mais aussi celles, évaluées à plusieurs milliards de dollars, de Washington Mutual et Bear Stearn, deux banques qu’elle a rachetées après 2008. La banque française ne répond que de ses propres actes.
La sévérité des États-Unis à son égard ne peut, alors, se comprendre que "dans le cadre des tensions géopolitiques croissantes", estime Pascal de Lima. L’économiste ajoute que la Security and Exchange Commission (SEC, gendarme américain de la Bourse) apparaît, à cette occasion, comme le “bras armé économique de la volonté des États-Unis d’imposer sa vision de l’ordre mondial”.
Merci le Crédit Suisse !
Si les considérations géopolitiques priment sur le reste, pour cet expert, il n’en demeure pas moins qu’il y a des circonstances aggravantes. D’abord, le "plaider coupable" de Crédit Suisse est passé par là. Dorénavant, Washington veut que les banques reconnaissent ouvertement leurs torts. Pour le "Wall Street Journal", les négociations en cours pourraient aboutir à une reconnaissance par la BNP de sa culpabilité contre une amende moins élevée. Si les autorités américaines sont aussi menaçantes, c’est qu’elles jugent que la banque française n’a pas été aussi coopérative que d’autres.
En outre, dans le cas de BNP Paribas, Washington peut aussi reprocher à la banque d’avoir "fait peser un risque pour les autres déposants", assure Pascal de Lima. Les États avec lesquels la BNP est accusée d’avoir fait illégalement affaires "sont appelés 'à risque' car leur capacité à rembourser est moins solide que celle d’autres pays", explique l’économiste. Un défaut de paiement de Khartoum, Téhéran ou autre aurait pu avoir un impact sur l’ensemble de l’activité de BNP. "On a vu des banques entières qui se sont effondrées après une faillite d’État", rappelle Pascal de Lima. Un risque qui n’existe pas lorsqu’on aide à l’évasion fiscale ou qu’on blanchit l’argent des cartels de la drogue.