
Le décret relatif aux négociations pour le rachat d’Alstom, présenté jeudi par Arnaud Montebourg, a fait réagir le Medef et le Front national. Marine Le Pen a fustigé une décision électoraliste à l’approche des élections européennes.
L’élan de "patriotisme économique" revendiqué par Arnaud Montebourg fait grincer certaines dents. Alors que l’américain General Electric souhaite racheter la branche énergie d’Alstom (70 % de son chiffre d’affaires), le ministre de l’Économie a annoncé, jeudi 15 mai, que tout investisseur étranger intéressé par une entreprise stratégique française doit désormais obtenir le feu vert de l’État avant un rachat, partiel ou total.
"Ça arrive une semaine avant les élections européennes, donc je pense qu'on est en plein enfumage électoraliste", a accusé la candidate du Front national Marine Le Pen, jeudi, sur France 2. Selon elle, cette décision n’a de patriotisme économique que le nom. "Écarter un Américain pour vendre Alstom à un Allemand, moi je n'appelle pas ça du patriotisme", a-t-elle déclaré, en référence à la préférence affichée par l’État envers Siemens au détriment de General Electric. "Le patriotisme, ça consiste à conserver Alstom en France avec la maîtrise française de cette société absolument stratégique".
"Grave erreur"
Outre la défense et la sécurité - secteurs déjà couverts par un décret de 2005 -, le texte, publié jeudi, porte sur l'énergie, l'eau, les transports, les télécoms et la santé. Au-delà d’Alstom, il pourrait concerner un quart des entreprises de l'indice CAC 40.
La candidate frontiste aux élections européennes a cependant prédit qu’il serait "probablement retoqué par l'Union européenne puisque l'UE interdit le patriotisme économique". La Commission européenne a pour sa part mis en garde contre la tentation protectionniste, et annoncé qu’elle examinerait de plus près le décret.
Qualifié de "grave erreur" dans les rangs de l’UDI, le décret que Montebourg présente comme un "réarmement de la puissance publique", est également décrié par l'organisation patronale, le Medef.
"C’est une mauvaise idée", a ainsi réagi son président, Pierre Gattaz. "C'est très défensif alors qu'il faut être dans l'offensif. […] Ne soyons pas naïfs : en effet d'autres pays ont aussi des mécanismes de protection de leurs entreprises sensibles. Mais en l'occurrence cela apparaît comme une réponse tardive à un problème structurel".
"Vital"
Au sein du PS, on défend en effet cette décision en arguant que le contrôle des investissements directs étrangers sur le fondement de l’intérêt national est loin d’être une exception française. "Ce décret, vital pour la survie de l'industrie française, démontre que la France est capable de mettre en place un protectionnisme intelligent, et remet le pays au niveau d'autres qui ont, comme les États-Unis, pris ce genre de mesures de longue date", a affirmé le député socialiste Yann Galut.
La société General Electric a pour sa part déclaré jeudi "prendre note "de ce changement de donne. "Notre projet industriel est bon pour Alstom, pour ses employés et pour la France", a cependant souligné le groupe américain. "Notre projet est de bâtir une entreprise leader mondiale dans le secteur de l'énergie, avec quatre sièges basés en France, tout en préservant et en créant des emplois", ajoute-t-il, assurant poursuivre des discussions "constructives" avec le gouvernement.