Selon le New York Times, le PDG de BNP Paribas s’est rendu aux États-Unis pour “implorer” la justice américaine de ne pas attaquer le groupe au pénal. La banque est accusée de transactions avec des pays sous embargo américain comme l'Iran.
BNP Paribas dégaine l’artillerie lourde. D’après un article paru dans l’édition du 12 mai du New York Times, le groupe bancaire français a récemment envoyé son PDG Jean-Laurent Bonnafé à Washington pour convaincre la justice américaine de ne pas les attaquer au pénal. La première banque française - et au moins une douzaine de ses employés - est accusée d’avoir procédé à des transactions en dollars avec des pays sous embargo américain. Le Crédit Suisse est également dans le viseur pour des questions d'évasion fiscale.
Le but du déplacement pour Jean-Laurent Bonnafé - entouré de son chef de la stratégie, Philippe Gijsels, de son responsable de la conformité, Jean Clamon et de leur armée d’avocats - était surtout de limiter les dégâts en demandant que le plaider-coupable que la justice américaine cherche à obtenir soit limité aux deux filiales américaines de la banque : Bank of the West et First Hawaïan Bank. Selon le New York Times, les pays soumis à l’embargo qui auraient fait affaire avec le groupe français sont le Soudan, Cuba et l’Iran.
BNP Paribas reste muet
Contactés par FRANCE 24, les porte-parole de BNP, se sont refusés à tout commentaire et indiquent qu’ils ne savent pas quand la direction sortira de son silence sur cette affaire. Pour l’heure, ils renvoient simplement à la déclaration succinte qui a été faite, en avril, lors de la publication de leurs résultats du premier trimestre. "Les discussions qui ont eu lieu au sujet des paiements en dollar US concernant des pays soumis aux sanctions des États-Unis, montrent qu'il existe une très grande incertitude sur les sanctions qui pourraient être décidées par les autorités américaines. Il ne peut être exclu que la pénalité excède très significativement la provision constituée [de 1,1 milliard de dollars, NDLR]", avait écrit la banque dans un communiqué, sans davantage de détails.
En 2012, les banques britanniques Standard Chartered et HSBC avaient réussi à conclure des accords dans le cadre d'une procédure à l'amiable. La première avait payé une amende de 627 millions de dollars et la seconde 1,92 milliard de dollars. Mais dans le cas de BNP, la justice américaine - représentée dans cette affaire par David A. O'Neil, le chef de la section criminelle du Département américain de la Justice, Preet Bharara, le procureur fédéral de Manhattan, et de Cyrus Vance Jr, le procureur du district de Manhattan - semble déterminée à aller jusqu’au bout. Et ce malgré la menace de déstabilisation du financement de l'économie mondiale que brandit BNP Paribas en cas de plaider-coupable visant l’ensemble du groupe français.
Une sanction pour l’exemple
L’une des raisons à cette intransigeance des Américains ? Le manque de coopération de la banque. Depuis que l’affaire a éclaté il y a quelques années, elle n’a cessé de ralentir les autorités, permettant à plusieurs employés d’échapper à leur inculpation, prescription de cinq ans oblige. Autre argument en faveur d’un plaider-coupable coûte que coûte : l’administration Obama, depuis la crise financière, doit faire face à une opinion publique exaspérée par le traitement indulgent réservé aux banques qui sont pourtant considérées comme les premières fautives de la déroute économique occidentale. À ce titre, une procédure criminelle contre BNP ferait figure d’exemple...
En face, pour le géant français, une telle situation serait catastrophique autant pour son image que pour son avenir ; même si la Réserve fédérale de New York et Benjamin M. Lawsky, le régulateur financier de l'État de New York ont déjà prévenu qu’ils ne supprimeraient pas la licence bancaire de BNP Paribas outre-Atlantique. Reste qu’un plaider-coupable représenterait une première pour une banque de cette importance depuis celui de Drexel Burnham Lambert, il y a plus de 20 ans. Et l’affaire pourrait également mettre à mal les ambitions de BNP en Amérique du Nord, région appelée à contribuer au PNB du groupe à hauteur de 12% en 2016, contre 10% en 2013.