L'homme d'affaires Bruno Ledoux a obtenu lundi l'accord du tribunal pour reprendre le journal "Libération" et tenter de redresser sa trésorerie. Les employés du quotidien voient dans cette décision une menace pour l'intégrité de la rédaction.
Le plan de reprise de "Libération" a été accepté par la justice. L'homme d'affaires Bruno Ledoux a, en effet, reçu lundi 28 avril le feu vert du tribunal de commerce de Paris pour reprendre et renflouer le journal français, menacé de faillite. La décision de justice met fin à la procédure de conciliation entamée depuis janvier avec les créanciers.
En promettant d'injecter 18 millions d'euros au capital d'ici juin, probablement avec d'autres investisseurs, Bruno Ledoux deviendra le seul propriétaire du titre, avec ses éventuels alliés. Ni Edouard de Rotschild, ni le groupe italien Ersel, les autres coactionnaires, ne souhaitent participer à l'opération. Il aura ainsi les mains libres pour appliquer ses projets de réforme, combattus avec force par la rédaction.
L'homme d'affaires s’est engagé à avancer aussi en urgence 4 millions d'euros, pour payer les salaires d'avril et permettre au quotidien de survivre dans l'immédiat, "Libé" n'ayant plus aucune trésorerie. À la recherche d'alliés depuis des semaines pour cette opération, Bruno Ledoux a sollicité le patron du groupe Altice et Numéricable, le milliardaire Patrick Drahi, qui cherche à se renforcer dans les contenus, alors qu'il est en passe de racheter SFR.
"Esprit étriqués"
Dans un bref message aux salariés, le président du directoire de "Libération", François Moulias, et le nouveau directeur opérationnel, Pierre Fraidenraich, leur ont annoncé la décision du tribunal et évoqué une prochaine "réorganisation".
Lundi, les salariés se sont réunis en assemblée générale, "la douze-millième AG depuis la Une 'Nous sommes un journal' du 8 février", ont tweeté les journalistes de "Libé" Isabelle Roberts et Raphaël Garrigos.
Les projets de Bruno Ledoux sont combattus par la rédaction, qui y voit une grave menace pour l’avenir du journal et des valeurs qu’il représente. Dans un mail qui avait fuité en février, l'homme d'affaires avait traité les salariés d'"esprits étriqués", qu'il fallait "ringardiser", ce qui a énormément choqué en interne. Depuis, ils sont entrés en guerre ouverte contre les projets de M. Ledoux, qu'ils dénoncent quotidiennement dans le journal sous la rubrique "Nous sommes un journal".
Bruno Ledoux, qui a fait fortune dans l'immobilier, a annoncé en début d'année un projet visant à transformer profondément "Libération", en l'intégrant dans un groupe diversifié comprenant un réseau social, des contenus multimédia, un espace culturel, voire une "Libé TV".
"Libération" a vu ses ventes encore s'effriter en février, avec 89 223 exemplaires (diffusion France payée) contre 104 614 en février 2013 (-14,7%). Les ventes en kiosques ont reculé de 22% en un an, à 29 409 exemplaires et ont été divisées par deux depuis 2009.
Avec AFP