Un convoi de 1300 musulmans a quitté dimanche le quartier de PK12 à Bangui, dans lequel ils se terraient depuis plusieurs mois dans la crainte des milices anti-balaka. Ce déplacement massif a fait débat au sein du gouvernement.
L'exode des musulmans centrafricains se poursuit. Dimanche 27 avril, quelque 1 300 d'entre eux qui se terraient en périphérie de Bangui, fréquemment attaqués par des milices à majorité chrétienne, sont enfin partis dans un imposant convoi à destination du nord de la Centrafrique.
La mise en route, attendue depuis des semaines, s'est faite finalement sans heurts. Dix-huit camions chargés à plein se sont mis en branle vers 12h00 locales (13h à Paris). "Ils ont pris vraiment tout ce qu’ils pouvaient : des frigos, des sacs, des lits qu’ils ont pu démonter", explique Tatiana Mossot, à Bangui pour FRANCE 24.
Au moins 22 personnes, dont 15 dirigeants locaux et trois employés de l’organisation humanitaire Médecins sans Frontières (MSF), ont été tuées samedi 26 avril dans une attaque commise dans une localité de Centrafrique, a appris l'agence Reuters auprès des autorités. L’attaque a eu lieu à Nanga Boguila, à environ 450 km au nord de la capitale, Bangui.
Selon Gilles Xavier Nguembassa, ancien député de la ville, des rebelles de la Séléka, composée essentiellement de musulmans, se sont rendus dans un centre médical de MSF avec l'espoir d'y trouver de l'argent.
Un porte-parole de l'ONG a confirmé que des membres de son organisation étaient morts, sans plus de détails.
Ces musulmans étaient pris au piège à PK12
Un imposant dispositif de la Misca - la force africaine - était mobilisé pour assurer la sécurité des partants. "Des Rwandais de la Misca mais aussi des Congolais, qui avaient l’habitude de sécuriser le quartier de PK12", précise notre correspondante régionale. La sortie de Bangui et la traversée des villes de Sibut et Dékoa, dans le centre du pays, constituent notamment les points chauds de l'opération, a expliqué un cadre de la mission africaine.
Les 1 300 déplacés avaient déjà fui leurs domiciles pour occuper le PK-12 (Point kilométrique 12), sorte d'étroit corridor en proche périphérie de Bangui, sur la route menant au nord du pays. Ils s'y étaient retrouvés piégés alors qu'ils souhaitaient déjà monter dans des convois humanitaires à destination du Tchad. Depuis cinq mois, ils étaient régulièrement victimes d'attaques d'anti-balaka (milices majoritairement chrétiennes). Ces groupes de jeunes s'en prennent surtout aux musulmans pour, disent-ils, venger les chrétiens, majoritaires dans le pays (environ 80 %), des graves exactions infligées par l'ex-rébellion Séléka, à dominante musulmane, lorsqu'elle était au pouvoir de mars 2013 à janvier 2014.
Le déplacement des musulmans fait débat
Dimanche soir, le gouvernement centrafricain a dénoncé une opération "unilatérale" menée "à (son) insu et contre (son) gré" par ses partenaires humanitaires, dont il questionne "la neutralité et l'objectivité".
La question d'un déplacement massif de la communauté musulmane a provoqué cette semaine un intense débat politico-humanitaire en Centrafrique. Une ministre a dénoncé une opération qui accentue la partition religieuse du pays et met à mal la réconciliation.
Le monde humanitaire affirme que ces populations ne pouvaient rester davantage, leurs vies étant menacées."Nous sommes heureux que ce mouvement, qui se tient pour la protection de la communauté de PK-12, ait pu se tenir", s'est réjouie Sandra Black, une porte-parole de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). "Nous avons fait du mieux possible" pour cette opération "préparée en très peu de temps", a remarqué Sandra Black, ajoutant que les bagages de tous les partants étaient "identifiés", les enfants porteurs de "bracelets" pour éviter qu'ils ne se perdent.
Les déplacés iront vivre à proximité de la frontière tchadienne. Quelques milliers de musulmans survivent encore au PK-5 de Bangui, un quartier anciennement reconnu pour sa mixité, et désormais protégé par les soldats burundais de la Misca. À Bangui, "on attend de voir comment le voyage de ce convoi va se passer avant que les autres puissent partir", explique Tatiana Mossot.
Avec AFP