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Musée du 11-Septembre à New York : un film sur Al-Qaïda crée la polémique

Un film-documentaire sur Al-Qaïda, une des œuvres du Musée du 11-Septembre, qui ouvre ses portes le 21 mai à New York, est accusé de heurter la communauté musulmane, en assimilant les croyants modérés aux terroristes.

Tout fut compliqué dans la construction du Musée visant à commémorer les attentats du 11 septembre à New York. Son lieu, son financement, son contenu… Tout - jusqu’au choix de la personne qui prendra la parole lors de l’inauguration le 21 mai - fut sujet à d’âpres polémiques et soumis à d’intenses négociations. Il faut dire qu'ériger un monument dédié à la plus importante tragédie de l’histoire américaine du début du XXIe siècle s’apparentait forcément à une gageure.

Présentation du Musée

Le musée présentera deux expositions permanentes :

La première, "In Memoriam", rendra hommage aux 2 977 victimes des attentats du 11-Septembre, ainsi qu’aux six victimes d’un attentat précédent contre les tours, le 26 février 1993.

La seconde, "Historica", s’attardera sur le déroulé des événements du 11 septembre 2001, des raisons qui ont conduit à ces attaques jusqu’à leurs conséquences, avec des répercussions encore palpables de nos jours.

Les visiteurs pourront voir des objets personnels des victimes, des morceaux des édifices, des photos, des documents vidéo et audio, ainsi que des témoignages.
 

Les organisateurs ont dû tenir compte de la sensibilité des dizaines de milliers de survivants, des familles des victimes, des policiers, des pompiers, des secouristes, des habitants du quartier… Et, depuis une semaine, de certains musulmans du "Conseil interreligieux", un collège de clercs mis en place par le Musée pour superviser son contenu confessionnel.

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La raison de leur courroux : la diffusion dans ledit Musée d’un film-documentaire censé dresser le portrait du groupe terroriste Al-Qaïda et expliquer aux visiteurs les racines de l’attentat du World Trade Center. Selon les responsables religieux l’ayant visionné en avant-première, le court-métrage de sept minutes intitulé "The rise of Al-Qaeda" ["L’essor d’Al-Qaïda"], offrirait une vision particulièrement péjorative des musulmans en les assimilant à des fanatiques.

"Assimiler à tort aux terroristes d’Al-Qaïda"

"La projection de ce film dans son état actuel serait une grande offense pour les croyants musulmans américains ainsi que pour tous les visiteurs musulmans étrangers qui viendraient dans ce musée", a dénoncé l’imam Mostafa Elazabawy, qui officie à la mosquée de Manhattan, avant d’exhorter le Musée, dans une lettre envoyée à la direction, à modifier le film.

L’imam dénonce surtout l’emploi de termes inappropriés, de nature à porter préjudice à sa communauté religieuse. "Les visiteurs qui ne connaissent pas beaucoup notre religion pourrait repartir avec des préjugés sur les musulmans en les assimilant à tort aux terroristes d’Al-Qaïda". Selon le chef religieux, l’emploi des mots comme "islamistes" ou "djihad" ne sont pas suffisamment expliqués au grand public. Un avis partagé par Akbar Ahmed, le président du Département des études islamiques à l’Université américaine de Washington. "[Le problème avec l’utilisation de ces termes c’est que] les visiteurs vont se dire que islamistes égalent musulmans et que djihadistes égalent musulmans".

Le musée dément tout amalgame

Dans sa démarche, Mostapha Elazabawy est soutenu par Peter B. Gudaitis et par le révérend Chloe Breyer, tous deux membres du Conseil interreligieux du musée."Nous continuons à affirmer que la vidéo pourrait laisser aux téléspectateurs l'impression que tous les musulmans portent une certaine culpabilité collective ou responsabilité pour les actions d'Al-Qaïda, ou même mal interpréter son contenu pour justifier le fanatisme ou même la violence envers les musulmans ou les personnes perçues comme musulmanes [par exemple, les sikhs]", ont écrit les deux hommes, signataires de la même lettre.

Le musée, de son côté, se défend de tels amalgames et tient à se dédouaner en indiquant avoir fait valider le documentaire par des spécialistes de l’Islam et du terrorisme. "Depuis le début, nous avons la lourde responsabilité de rester fidèles aux faits, d’être objectifs, et en aucun cas de salir une religion lorsque nous parlons d’un groupe terroriste", s’est défendu Joseph C. Daniels, le président du Mémorial.

Le film aura surtout réussi à rouvrir un débat complexe : "Même s’il ne dure que sept minutes et qu’il n’est qu’une petite partie du musée, il est devenu le catalyseur d’un problème de fond : comment aborder la représentation de l’islam et des musulmans ?", souligne Sharon Otterman, journaliste au "New York Times". Une interrogation qui ne trouve, pour l’instant, aucun écho chez Joseph C.Daniels : "Ce qui m’aide à dormir la nuit, c'est que je crois que le visiteur moyen qui viendra dans ce musée ne repartira pas avec la conviction que la religion de l’islam est responsable de ce qui s’est passé le 11-Septembre, a-t-il déclaré, nous avons fait tout, absolument tout ce qui était possible pour dire la vérité."