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Le patron du Facebook russe s’exile pour échapper à l'œil de Moscou

En Russie, plusieurs projets de loi visent à renforcer le contrôle de l’État sur Internet. Des dispositions qui, conjuguées aux pressions menées par les renseignements pour récupérer des données, poussent les ténors du Web russe à quitter le pays.

Traditionnellement plutôt débridé, l’Internet russe est en train de vivre une petite révolution. En début de semaine, la Douma – la chambre basse du Parlement russe - a adopté un arsenal de lois anti-terroristes, qui comprend notamment un nombre conséquent de dispositions visant à renforcer le contrôle de l’État sur le Web.

Les blogueurs voient ainsi leurs libertés considérablement amputées. Tout site qui concentre plus de 3 000 visites quotidiennes devra désormais se conformer aux obligations déjà en vigueur pour les médias : se signaler auprès de l’autorité de contrôle des médias, Roskomnadzor, conserver l’intégralité de ses données sur une durée de six mois et vérifier la véracité de l’intégralité des informations publiées.

Le mouvement Euromaïden dans le viseur

Ces nouvelles dispositions s’inscrivent dans une logique de reprise en main de l’Internet par Moscou. Un changement de ligne qui impacte considérablement le paysage du Web russe. VKontakte (VK), le premier réseau social du pays, qui devance l’américain Facebook avec plus de cent millions d’utilisateurs, vient lui aussi de vivre une petite révolution.

Son fondateur, Pavel Dourov, a quitté la Russie au lendemain de l’acceptation de sa démission par VK. Dans une interview au site web américain TechCrunch, Dourov motive son départ par la pression de plus en plus forte des autorités russes pour qu’il accepte de remettre au FSB – les services secrets russes – les données personnelles de certains de ses utilisateurs.

Il s’agissait notamment d’organisateurs du mouvement ukrainien pro-européen Euromaïdan, qui a chassé le président pro-russe Viktor Ianoukovitch du pouvoir à Kiev. "J'ai peur qu'il n'y ait pas de retour en arrière", a expliqué Dourov à TechCrunch. "Pas après que j'ai refusé publiquement de coopérer avec les autorités. Elles ne peuvent pas me supporter."

Blocages stratégiques et poursuites judiciaires

Si Dourov a préféré quitter le pays face à cette pression grandissante, d’autres personnalités influentes en Russie ont vu leurs plateformes web frappées d’interdiction par le Kremlin. En mars, Roskomnadzor avait ordonné le blocage de quatre sites Internet pour "incitation à des activités illégales", parmi lesquels le blog de l'opposant numéro un à Vladimir Poutine, Alexeï Navalny.

Navalny a été contraint de s’acquitter d’une amende de 300 000 roubles (6 000 euros) pour "diffamation", mais risque potentiellement beaucoup plus gros, alors qu’il a été condamné à cinq ans de prison avec sursis dans une affaire d’escroquerie, qu’il a toujours qualifiée de complot. La justice doit se prononcer ultérieurement sur ce dossier.

Vers une surveillance dans les écoles ?

Si les insoumis au Kremlin sont particulièrement visés par ce contrôle renforcé du Web, la surveillance massive de la population sur Internet est également sur l’agenda du pouvoir. La semaine passée, un autre projet de loi sur la protection antiterroriste des écoles proposait la surveillance des élèves.

Le texte propose de responsabiliser les directions des lycées et universités russes sur les pratiques de leurs étudiants. Dans les faits, elles seraient contraintes d’"analyser les sites personnels des élèves et du personnel" et de constituer des dossiers sur ceux "qui ont tendance à enfreindre les règles".

Un projet qui tranche cependant avec les déclarations publiques du président russe Vladimir Poutine. La semaine passée, lors de sa séance annuelle de questions-réponses, il avait été interpellé sur la surveillance de la population en Russie par l'ex-consultant de la NSA Edward Snowden.

"Nous avons un règlement juridique strict concernant l'utilisation par les services spéciaux de ces moyens, notamment des écoutes téléphoniques et de la surveillance sur Internet, avait alors martelé Poutine. C'est pour cela qu'[une surveillance] massive et aveugle ne peut pas exister [en Russie]. J'espère vraiment que nous ne nous le permettrons jamais."

Avec AFP