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Crimes de guerre en Syrie : la France veut faire saisir la CPI

Paris va proposer une résolution au Conseil de sécurité de l'ONU pour que la Cour pénale internationale (CPI) soit saisie de "tous les crimes" de guerre commis en Syrie. Une requête qui a toutefois peu de chances d'aboutir.

C’est sans conteste le "rapport César" qui a poussé la France à passer le pas. Paris, via la voix de Gérard Araud son ambassadeur à l’ONU, va en effet proposer au Conseil de sécurité une résolution demandant que la Cour pénale internationale (CPI) soit saisie de tous les "crimes de guerres" commis en Syrie.

Gérard Araud s’exprimait suite à la présentation du "rapport César" aux 15 membres du Conseil. "César", du nom d’emprunt de ce photographe syrien travaillant officiellement pour le régime de Bachar al-Assad, avait clandestinement diffusé en janvier des photos insoutenables de prisonniers morts de faim ou de tortures sous les ordres du régime.

Commandité et financé par le Qatar, qui soutient l'opposition armée syrienne, le rapport "César" fait état de 11 000 détenus morts dans les geôles du régime en s'appuyant sur 55 000 photos prises entre la fin 2011 et l'été 2013. Certains clichés prouvent que des prisonniers ont été affamés pendant des semaines voire des mois. Les corps sont squelettiques et les visages émaciés.

"Maintenant nous avons ces preuves"

"Nous allons essayer d'obtenir que la CPI soit déclarée compétente […] Maintenant, nous avons ces preuves", a expliqué Gérard Araud. Présents à la conférence de presse, deux des experts, qui ont analysé les clichés, ont réaffirmé leur authenticité. Ils ont tous deux jugé que le rapport – qui ne repose sur le témoignage que d’un seul homme - étaient crédibles. Elles pourraient donc servir de preuves tangibles devant la CPI.

Selon le Pr David Crane, ancien procureur en chef du tribunal spécial pour la Sierra Leone qui a inculpé Charles Taylor, il est rare "d'avoir accès à des preuves directes et précises de crimes contre l'humanité". Crane estime également que le rapport n'est que "la partie émergée de l'iceberg". Les photos dévoilent les conditions de vie des détenus au sein de trois centres de détention. Or il en existe cinquante sur tout le territoire syrien.

Moscou juge la proposition contre-productive

Onze des quinze pays membres du Conseil ont adhéré à la CPI et plusieurs se sont déjà prononcés en faveur d'une saisine de la Cour en Syrie (France, Royaume uni, Argentine, Australie, Chili, Lituanie, Luxembourg, Nigeria, Corée du Sud). Les États-Unis, bien que n'ayant pas adhéré à la CPI, se sont engagés à faciliter le travail de la Cour.

Reste que le projet a peu de chance d'aboutir : Moscou, dont la voix est obligatoire pour l'adoption de la résolution, a fait savoir que saisir la CPI serait contre-productif au moment où la Syrie élimine progressivement son arsenal d'armes chimiques.

L’ambassadeur français s'est défendu d'utiliser le rapport César à des fins politiques, soulignant qu'il s'agissait d'en appeler "à la conscience humaine" et que la CPI "devait enquêter sur tous les crimes commis en Syrie", y compris ceux de l'opposition.

Avec AFP