
En deux jours la secte islamiste Boko Haram a mené deux attaques, dont l'une a tué 71 personnes près d'Abuja. Un cycle de violences que le pouvoir peine à entraver et qui serait lié aux inégalités dont souffre le pays.
C’est la seconde action d’envergure de Boko Haram en deux jours. Plus d’une centaine de jeunes filles ont été enlevées, mardi 15 avril, dans leur lycée de l’État de Borno dans le nord-est du Nigeria. Selon une source sécuritaire, c’est bien la secte islamiste qui serait derrière le rapt.
Le groupe islamiste Boko Haram - dont le nom signifie "l'éducation occidentale est un pêché" en langue haoussa - a souvent pris pour cible des écoles au cours de son insurrection qui a fait plusieurs milliers de morts depuis 2009. C’est à cette date que le mouvement, né au début des années 2000, se radicalise, à la suite de la mort de son leader charismatique Mohamed Yousouf.
L’enlèvement survient au lendemain d’un attentat qui a tué 71 personnes et blessé 154 autres, perpétré dans une gare routière en périphérie d’Abuja, et attribué également à Boko Haram. Il s’agit de l’attaque la plus meurtrière jamais commise dans la région de la capitale politique du Nigeria.
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Le président nigérian Goodluck Jonathan, qui s'est rendu sur les lieux, a de son côté promis de mettre fin à l'insurrection violente menée par le groupe islamiste armé. "Boko Haram est une page très laide de l'histoire de notre développement [...] mais nous allons en venir à bout", a-t-il affirmé.
À un an des prochaines élections générales, le président Jonathan est en effet très critiqué pour son impuissance face à Boko Haram. Car tant que les violences étaient contenues dans le nord-est du pays, l'actuel chef de l'État pouvait affirmer enregistrer des progrès dans la lutte contre les islamistes. Mais si les violences se rapprochent d'Abuja, le président fera face à d'autant plus de pression, selon des experts nigérians.
Abuja est situé dans le centre du pays, une région que Gilles Yabi consultant indépendant sur les pays d'Afrique de l'Ouest cité par RFI, nomme la "Middle Belt, où se produisent traditionnellement des affrontements à connotation ethnique, mais qui sont fondamentalement politiques et économiques".
Le groupe islamiste a mené plusieurs attaques dans la capitale fédérale et ses alentours par le passé, dont un attentat-suicide à la voiture piégée contre le siège des Nations unies, qui avait fait 26 morts en 2011. Mais la plupart des attaques récentes sont concentrées dans le nord-est du Nigeria, son fief historique, où l'armée poursuit depuis près d'un an une vaste offensive contre les islamistes.
Inégalités et corruption alimentent le cycle des violences
Selon Gilles Yabi, "il est important d’inscrire cette violence de Boko Haram dans le contexte plus général de la violence politique au Nigeria. Il y a un lien très clair entre la corruption dans ce pays et la négligence de plusieurs régions avec ce cycle de la violence". Une réalité, sur laquelle insiste également Mathieu Guidère, professeur des université, sur le plateau de FRANCE 24. "Le Nigeria est un état hyper corrompu ", rappelle-t-il. "Trois états sur les 36 de ce pays fédéral produisent du pétrole et environ 60 millions d’habitants vivent avec moins de deux dollars par jour. Il s’agit d’une injustice flagrante qui a produit ce terrorisme puisque la secte Boko Haram est née d’un désir de justice et de redistribution", explique encore le chercheur.
Ce terrorimse se nourrit aussi des profondes divisions ethniques et religieuses dans un pays où les richesses sont concentrées dans le sud, peuplé en majorité de chrétiens. Ce qui crée un certain ressentiment dans le nord où vivent en majorité des musulmans. "Le nord considère qu’il n’y a pas suffisamment de redistribution", observe sur FRANCE 24 Antoine Glaser journaliste spécialiste de l’Afrique. Il rappelle que Boko Haram, dont le fief se trouve dans le nord, a prévenu qu’il élargirait sa zone d’action.
Et l’attentat de lundi près d'Abuja confirme bien ces menaces. Il jette en tout cas un nouveau doute sur les affirmations de l'armée selon lesquelles Boko Haram est affaibli et n'est plus capable de frapper des cibles importantes. Pour Francis Kpatindé, elle augure d’autres attaques encore plus meurtrières. "À l’évidence Boko Haram montre qu’il a les capacités de frapper Lagos", prévient-il sur le plateau de FRANCE 24.