![Mort de Gabriel Garcia Marquez, géant de la littérature sud-américaine Mort de Gabriel Garcia Marquez, géant de la littérature sud-américaine](/data/posts/2022/07/19/1658214856_Mort-de-Gabriel-Garcia-Marquez-geant-de-la-litterature-sud-americaine.jpg)
Le Prix Nobel de littérature Gabriel Garcia Marquez est décédé, jeudi, à Mexico à l'âge de 87 ans. L'auteur colombien a marqué la littérature du XXe siècle avec ses romans à succès, "Cent ans de solitude" et "L'Amour au temps du choléra".
"On ne meurt pas quand on veut, mais seulement quand on peut", écrivait Gabriel Garcia Marquez. Atteint d'une pneumonie selon sa famille, l'auteur colombien a quitté l’hôpital de Mexico, le 8 avril, pour continuer "sa convalescence à domicile". Il s'est éteint, jeudi 17 avril, à l'âge de 87 ans.
L'auteur de génie, auréolé du Prix Nobel de littérature en 1982, laisse derrière lui d'innombrables chefs-d'œuvres : "Cent ans de solitude", traduit dans 35 langues et vendu à quelque 30 millions d’exemplaires, "L'Amour au temps du choléra", son œuve la plus populaire ou "La Mala hora", primé par l'Académie des Lettres en Colombie. Ses romans reconnus dans le monde entier font parfois oublier que l'auteur était aussi journaliste et activiste politique. Retour sur les grands chapitres de sa vie.
- "La vie n'est pas ce que l'on a vécu, mais ce dont on se souvient et comment on s'en souvient" ("Cent ans de solitude", Gabriel Garcia Marquez)
Dans tous les écrits de Gabriel Garcia Marquez transparaissent des tranches de son passé. Le petit monde fantastique de Macondo, qui figure dans plusieurs de ses fictions, s'inspire du village colombien d'Aracataca, où il est né le 6 mars 1927. L'aîné de cette famille de douze enfants y a grandi aux côtés de ses grands-parents.
Ses grands-parents, qui l'ont élevé jusqu'à ses dix ans, l'ont aussi beaucoup influencé et notamment dans son style narratif. Son grand-père, un ancien colonel d'armée aux idées politiques libérales, n'a cessé de lui relater des souvenirs de la guerre civile (1899-1902). À l'inverse de cette figure pragmatique, sa grand-mère dotée d’un esprit fantasque a partagé avec lui des histoires dans lesquelles apparaissaient souvent des fantômes. "Je suis partagé entre ces deux mondes", a ainsi résumé l'écrivain, qui mêle dans ses récits le réalisme et le surnaturel. À la mort de son grand-père en 1937, il est contraint de rejoindre ses parents à Sucre, dans le nord du pays, mais est resté très nostalgique de cette période.
- "La menuiserie"
Gabriel Garcia Marquez a toujours su qu'il deviendrait écrivain. "J’avais la volonté, les dispositions, le courage et la capacité de le devenir. J’ai toujours écrit et je n’ai jamais songé faire autre chose, disait-il. Si l'envie est là, l'étudiant en droit âgé de 20 ans peine néanmoins à acquérir les techniques d'écriture. Jusqu'au jour où un ami lui offre un livre qui le marque à jamais, "La Métamorphose" de Franz Kafka. En lisant les premières pages, il découvre la méthode narrative "pour hypnotiser le lecteur, disait Gabriel Garcia Marquez. Il faut une énorme quantité de clous, vis et charnières pour qu’il ne se réveille pas. C’est ce que j’appelle la menuiserie”.
Le jour même, il écrit une nouvelle, "La troisième résignation", qui est publiée le 13 septembre 1947 dans le quotidien colombien "El Espectador". Également nourri par les œuvres de Virginia Woolf, William Faulkner ou encore James Joyce, il en publie quelques autres, dont "Récit d'un naufragé", un recueil de chroniques sur un vaste trafic de drogue qui lui vaut les foudres du gouvernement en place. Ces écrits lui permettront de se faire remarquer et recruter comme journaliste.
- "Une synthèse de tous les dictateurs d'Amérique Latine"
En écrivant "L'Automne du Patriarche" en 1975, qu'il présente comme un "poème sur la solitude du pouvoir", Gabriel Garcia Marquez s'inspire de la fuite du dictateur Marcos Pérez en 1958 au Venezuela. Porté par les idées libérales de son grand-père, l'écrivain affirme son engagement politique avec l’avènement de la révolution cubaine et la diffusion des idées révolutionnaires qui secouent le continent latino-américain. Même lorsqu'il part en Europe, le journaliste-écrivain s'implique dans des mouvements révolutionnaires latino-américains.
Les idéaux anti-impérialistes de Gabriel Garcia Marquez le poussent également à écrire sur le quotidien à Cuba sous embargo américain. En 1960, il se noue d'amitié avec le leader cubain Fidel Castro, ce qui lui vaut d'être considéré comme "agent de propagande au service de la Direction de l'intelligence de Cuba" par les États-Unis. Il est alors interdit d'entrée sur le territoire américain jusqu'à ce que Bill Clinton, président à l'époque, lève son interdiction de voyager, affirmant que "Cent ans de Solitude" était son roman favori.
- "'Cent ans" de solitude est le meilleur roman en langue espagnole écrit depuis "Don Quichotte'" (Pablo Neruda, poète chilien)
Depuis l'adolescence, il voulait écrire sur cette maison familiale où il a passé les dix premières années de sa vie. Mais il a attendu l'inspiration jusqu'en 1965. Alors âgé de 38 ans, il vit avec sa famille à Mexico et est contraint, durant les dix-huit mois d'écriture, de vendre sa voiture et de se nourrir à crédit. Deux ans plus tard, "Cent ans de solitude" est publié à Buenos Aires et connaît un succès populaire immédiat.
Cette épopée minutieuse et délirante raconte l’histoire de la famille Buendia sur six générations dans le village imaginaire de Macondo, inspiré de son enfance et qu’on retrouve dans d’autres œuvres. Le livre, qui conjugue le roman politique et le récit fantastique, s’inscrit comme une œuvre maîtresse de la littérature hispano-américaine et comme référence dans le genre littéraire du réalisme magique.
En 1982, c'est la consécration suprême : il reçoit le Prix Nobel de Littérature pour "ses romans et ses nouvelles, dans lesquels le fantastique et le réalisme se combinent dans un univers à l'imagination très riche, reflétant la vie d'un continent et ses conflits". Il devient le premier Colombien à recevoir ce prix. "J'ai l'impression, qu'en m'attribuant le prix, [...] ils cherchaient à récompenser toute la littérature de cette région", a-t-il déclaré.
- "Dans le malheur, l'amour devient plus grand et plus noble" ("L'amour au temps du choléra")
Malgré le succès de "Cent ans de solitude", Gabriel Garcia Marquez parle d'un livre "superficiel" et ne cache pas sa préférence pour un autre de ses romans, "L’amour au temps du choléra", publié en 1985. Une fois encore, il puise l'inspiration dans ses racines puisque le livre raconte l’histoire d’amour de ses parents, qui a été perturbée par la résistance des parents de sa mère, et notamment du colonel.
- "Le temps s’écoule sans faire de bruit"
En 1999, Gabriel Garcia Marquez apprend qu’il est atteint d’un cancer lymphatique et freine sa production journalistique, littéraire et cinématographique. Cette année-là, il écrit son dernier article, un portrait du président vénézuélien Hugo Chavez, rencontré dans un avion. En 2002, il publie le premier des trois tomes de son autobiographie. Les deux autres ne sont jamais sortis. Son dernier livre, "Mémoire de mes putains tristes" (2004), une histoire d'amour entre un homme de 90 ans et une jeune vierge de quatorze ans, a créé la polémique. Depuis, Gabriel Garcia Marquez s’est retiré de la vie publique et n’a fait aucune déclaration à la presse. Dernièrement, son cancer était réapparu et s’étendait aux poumons, aux ganglions et au foie. Sa famille affirmait alors qu'il avait été hospitalisé pour une pneumonie.