
Candidat du Parti de la gauche européenne, le député grec Alexis Tsipras espère doubler le nombre de députés européens de la gauche de la gauche. Sur FRANCE 24, il a plaidé pour un effacement de la dette des pays européens asphyxiés par la crise.
Âgé de 39 ans, Alexis Tsipras fait figure d’étoile montante de la scène politique grecque et de poil à gratter des créanciers de la Grèce qui militent pour une stricte austérité budgétaire. Depuis 2008, le député grec dirige le parti de la gauche radicale Syriza. Mi-décembre, au congrès du Parti de la gauche européenne (PGE) à Madrid, 84 % de ses camarades l’ont plébiscité comme porte-drapeau pour les élections européennes de mai prochain. Depuis, il a entamé un tour d’Europe à la rencontre de la "gauche", comprendre la vraie gauche, à gauche des socialistes et socio-démocrates.
"Nous serons la vraie surprise" de ces élections européennes, a promis Alexis Tsipras sur le plateau de FRANCE 24, vendredi 11 avril. En Grèce, pays purgé par la crise et l'austérité, Syriza s’est hissé à 26 % des suffrages aux élections législatives en 2012, devenant le principal parti grec d’opposition. Aujourd'hui, il caracole en tête des sondages. Fin mai, en Grèce, le parti pourrait arriver en tête aux élections européennes, ce qui serait, selon son leader, "un message très important".
"Il faut en finir avec l'austérité"
Alexis Tsipras attendait beaucoup de l'élection de François Hollande. Il ne cache pas sa déception : "Il a fait naître beaucoup d’espoirs, pas uniquement en Grèce mais chez tous les progressistes européens qui espéraient qu’il devienne un contrepoids à l’Allemagne d’Angela Merkel. Mais il n’a pas été à la hauteur. (…) Au lieu d’essayer de suivre une politique de gauche, il a fait un virage encore plus à droite."
Ce qu’il qualifierait volontiers de fourvoiement risque de coûter cher à la gauche française, selon lui : "Un tel revirement à droite mène à la catastrophe ! Si le Parti socialiste [français] continue dans cette voie, il aura le même futur que le Pasok [qui a perdu 109 sièges aux législatives de 2012 en Grèce et ne dispose plus que de 41 députés, NDLR]."
Alexis Tsipras n’a pas de mots assez durs pour dénoncer la politique d’austérité imposée à son pays. En 2010, la Grèce avait été secourue par un plan de sauvetage de l'Union européenne (UE) et du Fonds monétaire international (FMI). En tout, 240 milliards d'euros de prêts pour éviter la faillite de l’État grec et un écroulement de l'euro. Dans la bouche d’Alexis Tsipras reviennent les expressions "catastrophe sociale", "crise humanitaire" et "austérité très dure, barbare" imposée à son pays.
"Nous devons trouver une solution européenne à la crise", clame le député grec. "Il n’y a pas d’autre manière d’en sortir que de financer des investissements en faveur de l’emploi et de la croissance." Selon lui, "il faut arrêter avec les politiques d'austérité qui ont détruit le sud européen et retrouver la solidarité, la démocratie et la cohésion sociale".
Le retour de la Grèce sur les marchés, jeudi 10 avril, est loin d’être un succès pour Alexis Tsipras. Bien au contraire : "La Grèce reste dans le piège de la dette qui représente toujours 175 % du PIB ! La solution passe par un effacement de la dette" pour les pays les plus asphyxiés comme le sien. C’est pourquoi Alexis Tsipras milite en faveur d'un "New Deal", un nouveau plan Marshall qu’il compare à l’Accord de Londres du 27 février 1953 qui avait permis à la République fédérale allemande (RFA) d’effacer la moitié de sa dette d’avant et après-guerre, lançant le "miracle économique" allemand. Cette proposition est selon lui "la seule viable et réaliste" pour sortir de la crise et de l’asphyxie.
"Du charisme, du dynamisme" pour plus de sièges ?
Si ces idées ont un écho dans les pays du sud de l’Europe étouffés par la crise, "pas sûr que ce discours soit audible dans le nord de l’Europe", estime Caroline de Camaret, rédactrice-en-chef Europe à FRANCE 24. Mais Tsipras "est un bon candidat pour la gauche européenne : il a du charisme, du dynamisme et vient d’un pays que l’on plaint", explique-t-elle. "La grande question est celle de sa crédibilité économique globale. Montrer qu’il n’est pas seulement un candidat de contestation." Ces derniers mois, l’homme a "arrondi son discours : il était plutôt favorable à la sortie de l’euro, ce n’est plus le cas", note par exemple Caroline de Camaret.
Alexis Tsipras se montre tout de même réaliste. Il ne voit pas le PGE arriver en tête aux élections européennes du 25 mai et ne s’imagine pas ravir le fauteuil occupé depuis dix ans par José Manuel Barroso. "En Europe, nous arriverons troisième selon les prévisions", rappelle-t-il. La gauche radicale espère ainsi augmenter considérablement son poids au Parlement européen, en passant de 35 sièges (sur 766) à une soixantaine.
À l’antenne, Alexis Tsipras n’a pas voulu dire s’il soutiendrait Martin Schulz, candidat du Parti socialiste européen (PSE), au cas où celui-ci arriverait en tête lors des élections européennes. Il a préféré retourner la question : "Lui, pourrait-il me soutenir ?" Mais "la Commission européenne peut basculer à gauche", conclut Caroline de Camaret, qui croit savoir que "Tsipras ne refuserait pas forcément de soutenir [le candidat du PSE] (…) ce qui serait un peu une révolution".