Le philosophe et essayiste français Alain Finkielkraut a été élu jeudi à l'Académie française dès le premier tour par 16 voix sur 28, en dépit de la polémique qui avait précédé le scrutin.
L'auteur de " La Défaite de la pensée " a triomphé. Le philosophe et essayiste Alain Finkielkraut a divisé les immortels, mais c’est lui qui a finalement remporté le fauteuil 21 de l’Académie française. À 64 ans, il a été élu au premier tour par 16 voix sur 28.
Cinq autres candidats étaient en lice pour succéder à l’écrivain Félicien Marceau, décédé il y a deux ans : Gérard de Cortanze, Renaudot 2002 pour "Assam", Alexis Antois, Yves-Denis Delaporte, Robert Spitzhacke et Athanase Vantchev de Thracy. Mais ils n’ont pas fait beaucoup d’ombre au philosophe. Alain Finkielkraut s’est rapidement imposé comme le favori, fort du soutien de plusieurs académiciens tels que Jean D’Ormesson, ou encore Pierre Nora, Michel Déon, Max Gallo, Hélène Carrère d'Encausse qui le considèrent comme un "intellectuel incontournable".
Une figure polémique
L’essayiste anticonformiste, habitué des plateaux de télévision, ne compte néanmoins pas que des amis sous la Coupole. Huit bulletins de vote portaient d’ailleurs une croix, signe de désaveu . Jugeant sa personnalité "trop clivante", ses détracteurs ont mené une vigoureuse campagne contre sa candidature.
"Le Figaro" a publié vendredi dernier les confidences de certains immortels lui reprochant des prises de position trop polémiques. "Le Front national ne doit pas entrer sous la Coupole ", y déclarait un académicien sous couvert d’anonymat. Des accusations qui ont fait bondir Jean d’Ormesson, qui aurait déclaré à son tour : "Si Finkielkraut n'est pas élu jeudi, je ne mettrai plus les pieds à l'Académie", toujours selon le "Figaro".
Rien qui ne puisse cependant déstabiliser ce pourfendeur du politiquement correct, "mu par la volonté aristocratique de déplaire", selon Pascal Bruckner . Ni pour ébranler l’Institution française, vieille de plus de 400 ans, qui n’en est pas à sa première polémique. C’est d’ailleurs le même fauteuil 21 qui fut au cœur du débat en 1976, lors de l’élection de son précédent occupant, Félicien Marceau. Belge d’origine mais exilé en France, l'auteur de " Creezy" et de " L'œuf" avait été condamné par contumace à 15 ans de prison dans son pays natal.
Critique de la modernité
Né le 30 juin 1949 à Paris dans une famille juive d'origine polonaise, Alain Finkielkraut est agrégé de lettres, normalien et professeur de philosophie - à l'École polytechnique, jusqu'en 2013. Fervent lecteur de Hannah Arendt, Emmanuel Lévinas ou Charles Péguy, il s'est fait connaître du grand public avec "Le nouveau désordre amoureux", coécrit avec Pascal Bruckner en 1977. Dans "Un cœur intelligent", il témoignait de son amour et de son intime connaissance de la littérature. L'Académie française lui avait d'ailleurs décerné, en 2010, le prix de l'essai pour ce titre. En 2011, il s’est penché sur le sentiment amoureux dans "Si l'amour durait ".
Penseur implacable et intransigeant, Alain Finkielkraut ne fuit pas le débat et "ne sait pas ne pas réagir", comme le dit de lui son ami, l’écrivain Milan Kundera. Son dernier ouvrage, "L'Identité malheureuse", qui traite de l’identité française et de l’immigration, a suscité une polémique plus vive encore que celle de sa candidature à l’Académie. L'écrivain avait notamment ferraillé avec Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, sur le plateau de France 2, dans l'émission "Des Paroles et des Actes".
Son livre, vendu à plus de 80 000 exemplaires, s’inscrivait dans la critique de la modernité qu’il file dans son œuvre depuis La défaite de la pensée (1987), et qu’il a poursuivie jusqu’à "La Querelle de l'école" (2007).
Des Paroles et des actes (France 2 ) : Alain Finkielkraut face à Manuel Valls
Avec AFP