logo

Les trois raisons de la débâcle électorale des indépendantistes québécois

Le chef du Parti libéral du Québec Philippe Couillard est devenu, lundi, le nouveau Premier ministre de la province du Québec, infligeant un camouflet au Parti québécois. Retour sur les trois principales raisons d'une défaite cuisante.

Qui aurait pu croire que Pauline Marois, chef du gouvernement et du Parti québécois (PQ), donnée favorite au début de la campagne législative aurait pu essuyer une telle défaite lundi soir ? Certes, les sondages des dernières semaines penchaient en faveur de Philippe Couillard, à la tête du Parti libéral du Québec (PLQ). Mais les Libéraux ne s’attendaient pas à remporter 71 des 125 circonscriptions, contre 29 au PQ, son plus mauvais score depuis 1989 en terme de sièges.

La défaite est d'autant plus amère que Pauline Marois avait choisi de dissoudre l'assemblée provinciale dans l'espoir d'atteindre la majorité, qui faisait défaut à son parti au pouvoir depuis septembre 2012. La candidate malheureuse a aussitôt annoncé sa démission de la tête du PQ et laissé son poste de Premier ministre à son successeur Philippe Couillard.

Comment comprendre une telle débâcle ? Les raisons sont au nombre de trois : la très contestée Charte des valeurs, cheval de bataille du Parti québécois; les accusations personnelles qui ont émaillé la campagne des têtes de liste; mais aussi et surtout, la fameuse question du référendum pour l'indépendance du Québec. "On l’a dit et redit, assure Jean-Nicolas Saucier, rédacteur du site canadien "Sympatico". La question référendaire semble avoir été déterminante dans le résultat de ces élections provinciales 2014".

La question référendaire "a peut-être fait son temps"

Bien que Pauline Marois n’ait pas particulièrement souhaité faire de l’indépendance du Québec une priorité de campagne, l’arrivée du souverainiste Pierre Karl Péladeau dans les rangs de son parti a porté la question au premier plan. En annonçant vouloir faire du "Québec un pays", le magnat de la presse a certes suscité l’espoir des sécessionnistes mais a aussi provoqué des inquiétudes dans le camp des fédéralistes du PQ.

Devant les craintes suscitées par la perspective d’un référendum, Pauline Marois a tenté à maintes reprises de rassurer les électeurs hostiles à toute idée d’émancipation. "Pour l’instant, nous allons en élections sur le programme du gouvernement qui concerne l’emploi, l’économie, la culture et la santé. […] Ce n’est pas une élection sur la souveraineté", a-t-elle martelé dans les colonnes de "Métro Montréal". Tentative vaine.

" Philippe Couillard n’a ensuite eu qu’à […] claironner à tout rompre qu’un vote pour le PQ était un vote pour le référendum […], s’indigne Jean-Nicolas Saucier dans son blog. Les fédéralistes québécois se sont ligués en masse derrière le PLQ pour le conduire à cette victoire majoritaire".

Par ailleurs, "certaines déclarations rêveuses en série de la Première ministre" ont fait "sourciller beaucoup de Québécois en soutenant la thèse qu’un Québec indépendant conserverait l’usage du dollar canadien et que le Québec pourrait même obtenir un siège au conseil d’administration de la Banque du Canada, afin d’influencer la politique monétaire", renchérit le journaliste Stéphane Parent, sur le site de "Radio Canada International".

"La plupart des jeunes Québécois francophones […] se sentent peu concernés par le projet souverainiste de leurs parents [ou même de leur grands-parents, NDLR], conclut François Pétry, directeur du Département de science politique à l’Université de Laval. C’est un projet générationnel qui a peut-être fait son temps, au moins sous sa forme actuelle".

Une charte des valeurs très contestée

La charte des valeurs, prônée par le PQ, a, en outre, largement contribué à la défaite du parti de Pauline Marois. Présenté en septembre dernier, ce texte visant à promouvoir la laïcité en préconisant notamment "d’encadrer le port des signes religieux ostentatoires pour le personnel de l'État", n’a pas été du goût de tous. L’opposition n’a cessé, au cours des derniers mois de campagne, de railler ces mesures jugées intolérantes.

Pauline Marois n’a pas été épargnée par le flot des critiques en soutenant l’idée que les personnes rémunérées par l'État qui refuseraient de se conformer aux préceptes de laïcité édictés par le texte pourraient être, "en tout dernier recours", congédiées.
Une candidate péquiste, Louise Mailloux, a elle aussi soulevé une vague d’indignation pour avoir décrit "la circoncision des juifs et des catholiques comme un viol".

"C'est le prix du poisson qui fait l'élection"

Dans l'espoir de relancer sa campagne, Pauline Marois s’est engagée dans les dernières semaines sur le terrain des attaques personnelles. En faisant état des "affaires" dans lesquelles son adversaire libéral a été impliqué, la candidate péquiste s’est éloignée des préoccupations d’une partie de ses électeurs.

La Première ministre sortante a, en effet, fait allusion aux liens qu'a entretenus il y a quelques années Philippe Couillard avec Arthur Porter, aujourd'hui accusé de corruption. Elle a également rappelé les circonstances troubles qui ont entouré la décision de Philippe Couillard de quitter son poste de ministre de la Santé, en 2008, pour le Fonds d’investissement PCP, spécialisé dans l’établissement de cliniques privées.

Des salves qui se sont vite retournées contre elle. Ses adversaires ne se sont pas privés de lui rappeler qu’elle avait notamment refusé de dévoiler ses actifs familiaux et ourdi un deal opaque avec un chef syndical.

Autant d’accusations qui n’ont profité à personne. "En Gaspésie [péninsule à l'est du Québec, NDLR], c'est le prix du poisson qui fait l'élection", a expliqué Claire Durand, professeur titulaire au département de sociologie à l'Université de Montréal sur le site belge "dhnet". En somme, "une campagne qui pue" a résumé le "Journal de Montréal".