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Bill Gates sur FRANCE 24 : "Des progrès incroyables ont été réalisés dans les pays pauvres"

Le fondateur de Microsoft Bill Gates consacre aujourd’hui l’essentiel de son temps et de son argent à sa fondation humanitaire. L’homme le plus riche du monde se confie dans un entretien exclusif pour FRANCE 24.

Bill Gates, le fondateur de Microsoft, est l’homme le plus riche du monde. Aujourd’hui redevenu simple "conseiller technologique" au sein du géant de l’informatique, il consacre l’essentiel de son temps – et de sa fortune estimée à 76 milliards de dollars (55 milliards d’euros) – à sa fondation humanitaire.

Chaque année, il injecte environ 4 milliards de dollars (2,9 milliards d’euros) dans l’innovation en matière de santé et la distribution de vaccins. Une action à l’international globalement saluée, mais qui suscite également quelques interrogations. Entretien.

FRANCE 24 : Bill Gates, vous avez affirmé récemment qu’il n’y aurait plus de pays pauvres d’ici 20 ans. N’est-ce pas une prise de position utopique ?

Bill Gates : Non, il y a eu des progrès incroyables mais qui ne se voient pas toujours. Par exemple, la mortalité infantile a diminué d’un tiers en 50 ans. Je pense que sur les 20 prochaines années on pourra de nouveau la réduire d’un tiers.

F24 : Plus de 6 millions d’enfants âgés de moins de 5 ans sont morts en 2013. C’est un chiffre inquiétant…

En effet, et c’est une donnée qui doit encourager notre fondation à continuer son travail, développer des vaccins et les administrer aux enfants. Mais il faut savoir qu’il y a encore quelques années, ce chiffre était de 20 millions alors qu’à l’époque, il y avait moins de naissances. Concrètement, vous aviez 20 % de risques de mourir avant l’âge de cinq ans et cette proportion a diminué pour arriver à 5 %. Maintenant, il est certain que dans de nombreux pays, ce chiffre est toujours proche de 20 %, notamment au Nigeria et dans d’autres régions africaines.

F24 : Depuis sa création, votre fondation a donné plus de 28 milliards de dollars (20 milliards d’euros), ce qui représente la moitié de ce que le gouvernement américain dépense en matière de santé mondiale chaque année. Dans certains pays où les États ne sont pas très actifs dans le domaine, vous êtes devenus un acteur majeur. Est-ce que vous ne prenez pas, en quelque sorte, la place des pouvoirs publics ?

Non, pas du tout. L’aide internationale au développement représente approximativement 130 milliards de dollars (94 milliards d’euros). Nous, on dépense environ 4 milliards de dollars (2,9 milliards d’euros) par an. Maintenant, on se spécialise sur quelques secteurs, comme la santé et l’agriculture, et on investit énormément dans l’innovation, pour que les scientifiques puissent produire de nouveaux médicaments et vaccins. En matière de recherche, on est 2e derrière le gouvernement américain. En revanche, sur le créneau de la distribution et de l’administration des médicaments, nous sommes un petit maillon de la chaîne. Nous travaillons en partenariat avec tous les pays donateurs qui partagent les mêmes ambitions que nous.

F24 : Dans certains pays, où les infrastructures publiques sont très insuffisantes, ne jouez-vous pas un rôle majeur ? N’êtes-vous pas parfois perçus comme une personne qui impose ses solutions dans ces endroits où les gouvernements font preuve d’une certaine passivité ?

Non, car nous n’avons que 1000 employés. On donne de l’argent à l’OMS, au gouvernement éthiopien, par exemple, pour favoriser la mise en place d’un bon système de santé. On veut toujours travailler par le biais des gouvernements, là où c’est possible. Dans tous ces pays, vous ne verrez pas d’employés de notre fondation.

F24 : Il vous arrive parfois de travailler avec des États dont les gouvernements sont corrompus. Comment traitez-vous ce problème, comment pouvez-vous être sûr que l’argent que vous versez va bien là où il doit aller, et non pas sur des comptes bancaires en Suisse ?

Ce qui est extraordinaire avec la santé, c’est que l’on a la possibilité d’évaluer l’impact de nos travaux. L’essentiel de notre action, c’est d’acheter des vaccins pour ces pays, donc nous ne leur envoyons pas d’argent. Ils commandent les vaccins, et c’est gratuit. Par ce système, on peut minimiser la corruption.

F24 : En plus de la corruption, il y a un problème plus politique. Est-ce que vous collaborez avec n’importe quel régime dans le monde ? Est-ce que vous iriez par exemple en Syrie ou en Corée du Nord ?

On finance l’administration de vaccins en Corée du Nord ainsi que pour d’autres pays. Tous les enfants méritent de vivre, donc en matière de vaccins, il n’y a aucune distinction. Maintenant, le facteur limitant, c’est que certains pays ne mettent pas en place de bons systèmes d’administration.

F24 : Du fait de la crise économique, les pays occidentaux diminuent leur aide au développement et ne considèrent plus cette aide comme une priorité. Avez-vous peur que ces pays réduisent encore cette aide, qui a été fixée à 0,7 % de leur PIB ?

Ce souci est principalement rencontré en Europe, à l’exception du Royaume-Uni qui en a fait l’une de ses priorités. Cette exception représente tout de même 16 milliards de dollars (11,6 milliards d’euros) par an. Après, il faut savoir que très peu de pays ont réduit leurs donations. Ce que l’on observe, en revanche, c’est une stagnation des montants.