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Du 16e arrondissement de Paris à la Santé : le jour où Nicolas Sarkozy est allé en prison
Nicolas Sarkozy a été incarcéré mardi à la prison de la Santé à Paris, après sa condamnation à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs. Ses partisans sont venus le soutenir au lever du jour lors d’un rassemblement près de son domicile dans le 16e arrondissement. D’autres ont tenté, en vain, de l’apercevoir à son arrivée à la Santé. Beaucoup dénoncent une "injustice", d’autres estiment que cette mise sous écrou historique est "méritée". Reportage.
La prison de la Santé où Nicolas Sarkozy a été incarcéré à Paris, le 21 octobre 2025. © Jean-Luc Mounier, France 24

Le soleil n’est pas encore levé au-dessus de Paris, mardi 21 octobre, mais une partie du cossu 16e arrondissement fourmille de policiers et de journalistes à proximité du domicile de Nicolas Sarkozy. Ce dernier, condamné à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs dans l'affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, doit être incarcéré d’ici quelques heures.

À l’angle de la rue Pierre-Guérin et de la rue de la Source, un rassemblement est organisé à l’initiative du fils de l’ancien président, Louis Sarkozy. Il est à peine 7 h 30 et Philippe, 72 ans, est déjà là. Celui qui est habillé – "c’est assumé" – comme le "Big Lebowski", le personnage du film des frères Cohen, est venu avec son vélo jaune depuis Châtenay-Malabry, au sud de Paris, pour "soutenir" Nicolas Sarkozy. "Ce qu’il se passe, ça me fait de la peine. Nicolas Sarkozy ne mérite pas d’être mis en prison, c’est une erreur. En Amérique, ils n’auraient jamais fait ça", affirme-t-il.

Se disant là "par humanité", Philippe est un fan de la première heure de l’ancien président de la République. Il est fier d’"avoir (s)a carte des amis de Nicolas Sarkozy", une association créée en 2012 pour le soutenir. Mais il se garde de "donner (s)on avis sur la décision de justice" rendue il y a près d’un mois.

Du 16e arrondissement de Paris à la Santé : le jour où Nicolas Sarkozy est allé en prison
Philippe est venu à vélo de Châtenay-Malabry pour assister au rassemblement en soutien à Nicolas Sarkozy dans le 16e arrondissement de Paris, le 21 octobre 2025. © Jean-Luc Mounier, France 24

D’autres, au contraire, ne se privent pas de dire tout le mal qu’ils pensent de ce qu’ils considèrent comme une "injustice". Alice, 36 ans, "n’est pas d’accord" avec la condamnation de Nicolas Sarkozy. Pour cette ancienne fonctionnaire de police, "l’incarcération est une peine difficile", elle qui trouve qu’"il y a un acharnement de la justice française sur la droite".

"S’il avait tué quelqu’un, j’aurais compris qu’il soit en prison"

Le jour est maintenant levé sur la ville, et le nombre de supporteurs de Nicolas Sarkozy passe de quelques dizaines à plusieurs centaines de personnes en moins d’une heure. La foule donne peu à peu de la voix en attendant de voir avant son incarcération l’homme qu’elle attend. Tantôt des "Nicolas, Nicolas" sont scandés avec des applaudissements, tantôt une Marseillaise est entonnée. Quelques drapeaux tricolores sont agités.

Du 16e arrondissement de Paris à la Santé : le jour où Nicolas Sarkozy est allé en prison
Au rassemblement en soutien à Nicolas Sarkozy dans le 16e arrondissement de Paris, le 21 octobre 2025. © Jean-Luc Mounier, France 24

"On est avec vous", crie un homme. Une autre voix s’élève et à peine a-t-elle le temps de clamer "Nicolas, Clichy, Zyed et Bouna, Karachi, on n’oublie pas" qu’elle est copieusement sifflée par les personnes sur place. Pas loin, une personne tient une pancarte aux couleurs du drapeau français sur lequel on peut lire "Honte à la justice" – un slogan aussi parfois repris en chœur par la foule.

Danielle et Alain, respectivement 69 et 70 ans, sont là "par reconnaissance" pour Nicolas Sarkozy. "Il m’a fait connaître la politique avec ses campagnes extraordinaires", explique Danielle, voyant dans l’incarcération imminente de l’ancien président "une très grande injustice". "S’il avait tué quelqu’un, j’aurais compris qu’il soit en prison", glisse-t-elle. Alain, lui, digère mal que "pour la première fois en France, un président va en prison pour une raison douteuse et ambiguë".

Du 16e arrondissement de Paris à la Santé : le jour où Nicolas Sarkozy est allé en prison
Alain et Danielle au rassemblement en soutien à Nicolas Sarkozy dans le 16e arrondissement de Paris, le 21 octobre 2025. © Jean-Luc Mounier, France 24

Nombreuses sont les personnes interrogées mardi par France 24 à évoquer une "erreur" de la justice, un homme qualifiant même de "procès stalinien" le procès qui a valu à l’ancien président d’être condamné.

Il est maintenant 9 h 12 : la foule s’électrise à la vue de Nicolas Sarkozy, qui vient brièvement à leur rencontre, main dans la main avec Carla Bruni. L’ancien président salue et remercie les gens présents, sans trop s’attarder. Puis il embrasse ses enfants et sa femme avant d’entrer dans une berline noire aux vitres teintées, direction la prison de la Santé.

"S'il y en a un qui mérite bien d’aller en prison, c’est lui"

De l’autre côté de la Seine, dans le 14e arrondissement, Nicolas Sarkozy est attendu, à la fois aux abords et dans la prison de la Santé où il doit être incarcéré. Le quartier a été soigneusement bouclé par les forces de l’ordre. Les journalistes et les passants sont maintenus à bonne distance de l’entrée principale du centre pénitentiaire par lequel l’ancien président doit arriver.

Parmi les badauds, José, 70 ans, est venu "par curiosité" pour apercevoir l’ancien président. "Je comprends la décision de justice mais c’est trop sévère. Nicolas Sarkozy aurait dû être condamné mais pas à la prison", estime cet homme. Gonzague, 67 ans, partage aussi cet avis, se disant "scandalisée". "Même s’il a eu des torts, ce n’est pas un danger pour la République", affirme-t-elle. Et d’ajouter : "On veut faire un exemple, c’est tout. Mais cela ternit l’image de la France à l’étranger."

Du 16e arrondissement de Paris à la Santé : le jour où Nicolas Sarkozy est allé en prison
Gonzague aux abords de la prison de la Santé, à Paris, le 21 octobre 2025. © Jean-Luc Mounier, France 24

Quelques rares voix brisent le soutien dont bénéficie l’ancien chef de l’État parmi les Parisiens qui se sont déplacés, à l’image de ce jeune homme qui crie : "Il est où ton Kärcher, Sarkozy ?" Un autre, qui ne souhaite pas donner son prénom, se félicite de ce "jour historique, parce c’est la première fois qu’un président va porter ses responsabilités". "S’il y en a bien un qui mérite d’aller en prison, c’est lui", reprend-il. "Ce qui lui arrive est la même chose que pour un citoyen normal qui est condamné. Ce qui est injuste, c’est qu’il ne fera jamais toute sa peine."

À 9 h 43, une berline noire aux vitres teintées pénètre dans l’enceinte de la Santé. L’ancien président est officiellement incarcéré, une première dans l’histoire de la Ve République française. Derrière les murs, on entend ses nouveaux codétenus lancer des "Oh, bienvenue Sarkozy !", "Y a Sarkozy !"