
Le républicain Dana Rohrabacher est l’un des rares élus à s’être opposé à des sanctions contre la Russie après l’annexion de la Crimée. Mais au lieu d’invoquer des raisons financières, ce californien préfère afficher son soutien à Vladimir Poutine.
Avec 399 voix pour et 19 contre, le Congrès américain a largement voté en faveur d’une aide financière au gouvernement intérimaire en Ukraine, assortie d’une nouvelle salve de sanctions contre la Russie après l’annexion de la Crimée. Les quelques détracteurs du texte ont tous invoqué en priorité des raisons budgétaires pour justifier leur rejet. Tous, à l'exception de Dana Rohrabacher. Ce député républicain soutient farouchement le président Vladimir Poutine et compte bien se faire entendre.
“Nous sommes en train de redéclencher la guerre froide !”, a-t-il déclaré à la presse peu après le vote. “Au lieu de jouer un rôle constructif [dans la crise ukrainienne, NDLR], nous préférons souffler sur les braises de l’hostilité entre les États-Unis et la Russie”, regrette-t-il, convaincu que Washington a trouvé, avec l’annexion de la Crimée, une bonne excuse pour “tenir la Russie en échec et la précipiter dans un gouffre.”
JUST NOW: House Passes #Ukraine Support Act authored by @RepEdRoyce and @RepEliotEngel. pic.twitter.com/CpUC6slHPb
— Foreign Affairs Cmte (@HouseForeign) 27 Mars 2014“Ce n’est plus la Russie de l’ère communiste”
Du point de vue de l’élu californien, le peuple criméen s’est exprimé démocratiquement via un référendum, ce que soutient également le démocrate Alan Grayson, l’un des rares membres du Congrès à abonder dans le même sens. Le droit des individus et l’autodétermination devraient, selon le raisonnement de Dana Rohrabacher, prévaloir sur le droit du sol que brandit Kiev. Des arguments d’autant plus valables que, d’après lui, la Russie a évolué dans le bons sens ces dernières années. “Il y a eu, en Russie, d’importantes réformes que mes collègues ne veulent pas voir. Les bancs des églises sont remplis, des journaux d’opposition sont disponibles dans tous les kiosques, les gens peuvent manifester… Ce n’est plus la même Russie que sous l’ère communiste mais visiblement beaucoup de personnes ont encore du mal à réaliser que l’URSS a bien éclaté”, lâche-t-il.
Et lorsqu’on l’interroge sur le cas des Pussy Riot - qui peu après leur libération des camps sibériens ont été battues par la police alors qu’elles essayaient de se produire à Sotchi en plein Jeux olympiques -, Dana Rohrabacher minimise : “Oh vous savez, ce genre d’incident n’arrive pas si souvent…”
Soirée arrosée et match de bras de fer avec Poutine
À 66 ans, ce républicain fan de surf et de plongée, proche de la star américaine de Heavy Metal, Sammy Hagar, assume sa personnalité décalée et sa proximité avec Vladimir Poutine. L’année dernière déjà, il avait révélé à la presse une vieille anecdote concernant le président russe lorsque celui-ci n’était encore que maire-adjoint de Saint-Pétersbourg dans les années 1990 : il s’agissait d’un bras de fer fraternel entre les deux hommes au cours d’une soirée bien arrosée… Et le vainqueur du match ? Le grand Vladimir, of course !
Bref, à l’heure où les Occidentaux tentent, en soutien à l’Ukraine, d’isoler la Russie du reste de la communauté internationale, le Kremlin dispose visiblement d’un tout nouveau porte-parole de choix à Washington. Mais Dana Rohrabacher aimerait, semble-t-il, que son audace soit récompensée par une petite marque de reconnaissance de la part de ses amis russes. “Je crois que j’aurais apprécié un mot [du Kremlin, NDLR] en retour. Mais je n’ai rien obtenu, même pas un ‘merci’”, déplore-t-il.
Ce n’est pas la première fois qu’un membre du Congrès américain se démarque par ses prises de position en faveur d’un chef d’État controversé. En 2002, le démocrate Jim McDermott s’est rendu en personne à Bagdad pour défendre la politique de Saddam Hussein. Plus récemment en 2013, un autre démocrate, José E. Serrano, a fait part de son admiration pour Hugo Chávez en postant un tweet en l’honneur du défunt président vénézuélien. Pour lui, le Commandante - champion de l'anti-américanisme - “comprenait les pauvres. Il s’est toujours engagé à donner le pouvoir à ceux qui ne l’ont pas.” Un bel hommage que Dana Rohrabacher, s’il venait à manquer d’inspiration pour poursuivre son apologie poutiniste, pourra aisément emprunter à José Serrano.
Hugo Chavez was a leader that understood the needs of the poor. He was committed to empowering the powerless. R.I.P. Mr. President.
— Jose E. Serrano (@RepJoseSerrano) 5 Mars 2013