La visite du président chinois Xi Jinping en France devrait faire la part belle aux questions économiques. Les grands contrats seront, sans surprise, de la partie. Mais également la charcuterie. Un dossier plus important qu’il n’y paraît.
Le saucisson, symbole d’un renouveau des échanges franco-chinois ? De prime abord, cette perspective paraît fantaisiste. Mais elle illustre parfaitement l’évolution du commerce entre la France et la Chine. À l’occasion de sa visite de trois jours en France, qui a débuté mardi 25 mars, le président chinois, Xi Jinping, pourrait officiellement autoriser les exportations françaises de saucisson et autres charcuteries. Une décision attendue depuis longtemps par les acteurs français de la filière.
Ils sont d’autant plus impatients que le jambon de Parme et le saucisson espagnol trônent déjà depuis quelques temps sur les tables chinoises. En avril 2013, lorsque le président français avait abordé la question avec son homologue chinois, Pékin avait invoqué des contrôles sanitaires nécessaires à l’autorisation de la charcuterie française sur le sol chinois. Il faut dire que l’actualité du moment n’avait pas pesé en faveur de la requête française : l’Hexagone était alors embourbé dans le scandale de la viande de cheval.
Mais depuis, la situation a évolué. Les experts sanitaires chinois ont donné leur feu vert aux exportations de charcuterie française en décembre 2013. Dans ce contexte, la visite officielle du chef de l’État chinois est l’occasion rêvée de lui faire découvrir les charmes de la rosette, des rillettes et du boudin noir.
Une perspective d’autant plus alléchante que les Chinois consomment en moyenne 60 kg de porc par an, soit deux fois plus que les Français. Échaudés par les scandales sanitaires comme celui des cochons flottants dans le fleuve Huangpu près de Shanghai, ils se tournent plus volontiers vers les produits étrangers, alors même que leur pays détient le cheptel de cochons plus important au monde.
Lait et huile d’olive
Ce dossier prend, en France, de plus en plus d’importance. "L’idée, pour Paris, est de continuer à signer des gros contrat dans les secteurs de l’aéronautique ou du nucléaire, par exemple, mais aussi de donner un coup d’accélérateur à la diversification des exportations", résume Jean-François Dufour, spécialiste de l’économie chinoise et président du cabinet de conseil DCA Chine-Analyse.
Cette diversification doit bénéficier tout particulièrement au secteur de l’agroalimentaire. "Le vin et les spiritueux français sont déjà très présents en Chine, le secteur laitier français progresse et il y a tout à faire pour l’huile d’olive", explique Jean-François Dufour. Jusqu’à récemment, la Chine dépendait à 90 % du lait néo-zélandais. Elle cherche aujourd’hui à diversifier ses sources d’approvisionnement. Par ailleurs, depuis plusieurs années, l’huile d’olive est considérée comme l’une des niches les plus prometteuses en Chine, en raison de vertus qu’on lui prête. "Pour l’instant, l’Espagne et l’Italie en ont fait l’une de leurs priorités pour les exportations, mais pas encore la France", remarque Jean-François Dufour.
Si l’agroalimentaire est devenu l’un des nouveaux champs de bataille pour les entreprises lorgnant le lucratif marché chinois, c’est en raison d’une évolution de la demande chinoise. "Jusqu’à récemment, la Chine s’intéressait essentiellement à des contrats industriels, mais avec l’émergence de la classe moyenne et l’explosion de la consommation intérieure, les besoins évoluent vers ce genre de produits", note cet expert. Pour lui, l’agroalimentaire a d’autant plus la cote que la Chine manque tout simplement de terres cultivables, "notamment à cause de l’urbanisation du pays et de l’exode rural".
Pour la France, cette nouvelle demande chinoise est d’autant plus intéressante qu’elle concerne "des secteurs dans lesquels elle a des avantages certains sur l’Allemagne", note Jean-François Dufour. En effet, si la réputation de qualité des produits allemands lui donnait un avantage dans l’industrie ou l’automobile, il n’en va pas de même dans ces nouveaux secteurs porteurs, comme celui de l’agroalimentaire. C’est peut-être l’occasion pour la France de réduire son retard sur son puissant voisin, dont les exportations vers la Chine sont, pour l’heure, quatre fois plus importantes que celles de l’Hexagone.