Laurent Fabius a menacé lundi soir de suspendre la vente de navires militaires Mistral à la Russie. Une annonce qui a fait frémir Matignon et les syndicats de Saint-Nazaire. Moscou ironise et appelle les Européens à ne pas "attiser la situation".
Laurent Fabius a pris tout le monde de court. Invité du journal télévisé de TF1 lundi 17 mars, le ministre français des Affaires étrangères a surpris l'audience de Matignon à Moscou, en passant par Saint-Nazaire, en annonçant que la France "pourrait envisager" d'annuler la vente de navires militaires français Mistral à la Russie.
"Si Poutine continue ce qu'il fait, nous pouvons envisager d'annuler ces ventes, mais nous demandons à d'autres (...) de faire l'équivalent", a déclaré Laurent Fabius, précisant que de telles mesures de rétorsion économique faisaient partie "du troisième niveau de sanctions" envisagé contre la Russie. Le ministre a également annulé sa visite prévue ce mardi à Moscou avec le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian.
Laurent Fabius a mis une clause suspensive à sa menace, soulignant que les autres pays européens devraient aussi prendre des sanctions. Un appel suivi dès mardi par Londres qui a décidé de suspendre toute coopération militaire avec la Russie. L'Union européenne a aussi adopté le 17 mars des sanctions contre 21 personnalités ukrainiennes et russes, jugées responsables du vote annexionniste de la Crimée par la Russie.
Hic à Matignon, ironie à Moscou
Du côté de Matignon, où l’on est bien décidé à ne pas communiquer sur le sujet, la sortie de Fabius jette un froid. L’affaire est pour le moins sensible : la vente de ces deux navires de projection et de commandement (BPC) de type Mistral, signée en 2011 entre Moscou et Paris, représente un contrat de 1,2 milliard d’euros…déjà payés.
La construction des navires représente par ailleurs quatre ans de chantier et 1 000 emplois à Saint Nazaire. L’un des deux navires, qui porte déjà le nom "Vladivostok" inscrit en lettres cyrilliques sur la coque, doit être livré fin 2014. Il a déjà fait ses premiers essais en mer le 5 mars. L’autre navire, le "Sébastopol", doit être livré fin 2015.
Ces intérêts n’échappent pas à Moscou qui s’en est aussitôt saisi. Le vice-Premier ministre russe a répliqué mardi dans un communiqué, qualifiant de "surprenantes" les déclarations du ministre français des Affaires étrangères. Ironique, Dmitri Rogozine a écrit sur son compte Twitter : " Notre collègue ne sait-il pas combien de postes de travail ont été créés en France grâce à notre partenariat ?"
Il a ajouté que la rupture du contrat de la part de la France nuirait à sa réputation de partenaire "fiable". "La France commence à trahir la confiance qu'on place en elle comme fournisseur fiable", a écrit M. Rogozine, appelant ses "collègues européens à ne pas attiser la situation".
Laurent Fabius tente de temporiser
Laurent Fabius a tenté de s’expliquer en publiant mardi matin sur Twitter : "D'un côté nous ne pouvons pas envisager de livrer des armements à la Russie , de l'autre il y a la réalité de l'emploi". Avant d’ajouter, dans un autre message, ne pas souhaiter la suspension de la livraison des porte-hélicoptères de Saint-Nazaire.
Des messages qui n’ont pas su rassurer les syndicats de la société STX de Saint-Nazaire qui fabrique le Mistral. Ils ont mis en garde l'État français contre les "conséquences" que l'éventuelle annulation du contrat pourrait avoir "sur l'emploi des salariés".